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On s’expliquerait malaisément la nature des conflits agraires en Italie, et en particulier le caractère des différends qui ont éclaté entre métayers et ouvriers journaliers, si l’on n’avait pas une juste idée du rôle que joue le métayage dans l’agriculture italienne. De temps immémorial, le colonat partiaire a été en Italie un mode d’exploitation très répandu. Il est considéré encore aujourd’hui comme le procédé le plus efficace pour remédier à une insuffisante division du sol, pour introduire et maintenir la culture intensive dans la grande propriété. Le contrat de métayage, ou, — pour l’appeler par son nom italien, — de mezzadria, varie dans la forme, non seulement de province à province, mais encore de commune à commune et même d’un domaine à l’autre ; seul le principe en est constant : le propriétaire apporte son capital, le colon ou mezzadro son travail ; les dépenses sont à moitié et à moitié les profits. Les règles particulières à chaque territoire étaient autrefois fixées par les statuts des communes. De la fin du XVIIIe siècle à nos jours, on tenta plusieurs fois de réduire à un type unique toutes les formes locales de la mezzadria : ces tentatives échouèrent, et la loi écrite dut se borner à reconnaître quelques principes généraux, que l’usage avait déjà consacrés. C’est ainsi que le Code civil italien, en abrogeant les statuts locaux, a cependant respecté les coutumes. Il formule en quelques lignes la définition et les règles essentielles du métayage ; quant aux dispositions particulières qu’il établit ensuite, il n’en prescrit l’application que dans le cas où n’existerait ni coutume, ni convention. Le législateur ajoute : « Sur tous les points qui ne sont réglés ni par les dispositions précédentes, ni par des conventions expresses, on observe, dans le contrat de mezzadria, les coutumes du lieu (art. 1654).  » On a souvent reproché aux auteurs du Code italien de n’avoir pas mieux défini la nature juridique de la mezzadria : au lieu d’en faire un contrat particulier, qui tiendrait à la fois du louage et de la société, ils le considèrent en effet comme une espèce de location ; les récens conflits ont fait apparaître plus clairement que jamais les inconvéniens d’un pareil système. Mais jurisconsultes et économistes se sont trouvés d’accord pour louer le législateur moderne d’avoir su conservera une vieille institution la souplesse et la variété qui