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avec le Vatican. Il chargeait Keudell, en avril, de répandre dans Rome cette idée que le Vatican aurait avantage à traiter, et à traiter seul, et à traiter avec Bismarck seul. Keudell demandait l’aide de Gelzer ; celui-ci partait pour Rome, voyait Antonelli, montrait au cardinal les inconvéniens du conflit pour l’Eglise, et le cardinal répondait en lui montrant les inconvéniens du conflit pour l’État. On n’allait pas plus loin ; décidément, il était trop tôt pour s’accorder. Bismarck qui verrouillait les évêques et qui demain les exilerait, Bismarck qui n’exposait à tant de ravages l’État et l’Eglise que parce qu’il s’entêtait à légiférer sans Rome sur des intérêts qui relevaient de Rome, était ainsi poussé de temps à autre, par une attraction que l’avenir devait justifier, à nouer avec l’ennemi, non des négociations, sans doute, mais du moins des entretiens. Il y avait là comme un lointain prélude du temps où Bismarck tout seul voudrait s’arranger avec le Pape tout seul, et y réussirait.

En ce printemps de 1874, ces velléités mêmes, survenant inopinément au plus fort de la guerre, avaient l’insolence d’un paradoxe. À quelques semaines de distance, Bismarck soufflait dans le monde la haine contre la papauté, et puis, clandestinement, par un intermédiaire effacé, faisait mine de converser avec elle. « On ne repousserait pas la main qui serait tendue, » notait le prince de Hohenlohe. Bismarck sondait les neutres avec brutalité, pour savoir s’il pouvait leur imposer la guerre, et puis le Saint-Siège avec courtoisie, pour tâter si là-bas quelque main tendue ébaucherait un geste de paix. Que voulait-il réellement, ou, pour mieux dire, que désirait-il ? Voulant que l’État fût obéi, désirait-il, tout de suite, faire un marché qui ménagerait la dignité de l’État ? et les projets nouveaux suspendus sur l’Église, et dont la discussion était commencée, seraient-ils alors retirés ? Ces insinuans chuchotemens, qui succédaient aux éclats de voix provocateurs, indiquaient-ils la conscience qu’il avait d’une certaine faiblesse et je ne sais quelle crainte d’un insuccès toujours plus décisif ? Ou bien ne fut-il peut-être, durant quelques semaines, qu’un malade oscillant entre des caprices ; qu’un orgueilleux fantasque et débilité, goûtant tour à tour des charmes égaux à humilier le Pape et puis à le circonvenir, à se hisser au-dessus de lui, et puis à traiter en égal avec lui ? Dans ce Culturkampf où toujours il apporta plus de passion qu’il n’y trouvait de réel