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témoin fortuit de l’attentat ; arrêté, maltraité, il était ensuite relâché ; mais la Gazette de l’Allemagne du Nord décrivait, en détail, le rôle qu’avaient joué, dans l’attentat, trois prêtres introuvables. L’enquête judiciaire, plus approfondie, balaya lentement ces racontars ; mais l’effet politique était produit, et il fut terrible.

Le ministère de la Justice, par une circulaire du 15 juillet, invita les parquets à veiller sur une certaine presse qui excitait les esprits en traitant de politique religieuse : il n’était pas un journal du Centre qui pût échapper à cette inculpation. L’on devait avoir l’œil sur ces journaux, et, chaque fois qu’ils étaient punissables, les punir, et faire rayonner le châtiment sur toutes les individualités que l’on pouvait légalement atteindre.

De Berlin partait une autre circulaire qui visait les associations catholiques ; et, d’un bout à l’autre de la Prusse, elles étaient espionnées et persécutées. À Berlin, on les déclara dissoutes ; on menaça de 50 thalers d’amende et de trois mois de prison les catholiques qui enfreindraient l’arrêté de fermeture.

Des perquisitions furent faites dans divers casinos catholiques, chez Kehler, député du centre, chez Namszanowski, l’ancien évêque de l’armée. Une société de vétérans fut dissoute à Coblentz, parce que certains de ses membres appartenaient à la grande association catholique qu’avait fondée le baron de Loe, et parce qu’elle se refusait à les exclure. L’association de Saint-Charles Borromée, qui depuis près de trente ans pourvoyait de lectures les populations catholiques, vit son local de Bonn envahi par les policiers ; ils regardèrent quels livres elle distribuait, en confisquèrent un certain nombre, exigèrent qu’ils fussent rayés du catalogue. C’est ainsi qu’à la période où les pénalités prussiennes visaient uniquement les gens d’Eglise, une nouvelle période succédait, où les laïques à leur tour, par cela même qu’ils feraient, dans la vie publique, acte de catholiques, étaient exposés aux rigueurs de la loi ; et trente dames de l’aristocratie westphalienne, coupables d’avoir expédié à leur évêque une adresse dans laquelle le gouvernement relevait des vivacités, ouvrirent le cortège des inculpés laïques.

L’État feignait une panique ; un écho savamment concerté répercutait le coup de pistolet de Kissingen aux oreilles de tous les policiers qui pouvaient arrêter, de tous les magistrats qui pouvaient condamner ; et la chasse aux prêtres délinquans