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quelle existait sur le papier, elle maintenait un lien virtuel dont un jour on pourrait tirer profit. Bismarck enfin tranchait ce lien. Il affirmait que, tout espoir de conciliation était désormais trop lointain ; et que les sentimens qui l’avaient amené à maintenir ce poste n’avaient plus raison d’être. Pour la première fois, il attaquait le Pape, en face. Il l’accusait de prêcher : la révolte, et de là résultaient pour l’Allemagne deux impossibilités : celle de reconnaître un tel pouvoir, et celle même d’agir comme si elle se proposait de le reconnaître un jour ; il faudrait auparavant que les difficultés suscitées par les prétentions du Pape sur les États eussent trouvé une solution.

L’emploi qu’il faisait de ce terme « reconnaître, » la façon dont il annonçait, pour une période indéfinie, le retrait de cette reconnaissance, semblaient équivaloir, dans sa pensée, à une demi-déposition du Pape : il esquissait contre Pie IX le geste qu’achevaient, contre un Ledochowski ou contre un Conrad Martin, les magistrats de la Cour royale. Et puis, le chancelier, évoquant l’hostilité des révolutionnaires, évoquant l’hostilité de la France, montrait le Pape à l’arrière-plan. Il prêtait au nonce Meglia ce propos : « Nous ne pouvons plus nous prêter à des accommodemens ; rien désormais ne peut nous servir que la Révolution. » Il attribuait à Pie IX et aux Jésuites l’instigation de l’attitude belliqueuse qu’avait prise la France en 1870.

Mais les violences mêmes où s’acharnait son éloquence laissaient voir, en même temps, qu’il ne considérait pas la rupture diplomatique avec le Saint-Siège comme une attitude immuable, et fixée pour toujours, ou comme la conséquence, désormais intangible, d’une certaine philosophie d’État. À ses yeux, aucune question de principe n’était ici engagée ; il ne soutenait nullement qu’il fût contraire à l’essence même de l’Empire, d’être en relations avec le Pape ; il n’y avait aucune liaison, ainsi qu’il l’expliquera plus tard, entre la politique des lois de Mai et la suppression de l’ambassade ; la papauté n’était pas un être moral avec lequel l’Allemagne, en tant qu’État évangélique, ou en tant qu’État laïque, ne pouvait plus converser, mais une souveraineté dont le titulaire avait tenu, d’après Bismarck, des « propos grossiers » pour l’Allemagne : on devait donc rompre, pour l’instant.

Auguste Reichensperger réfuta le réquisitoire du chancelier, mais le vote du Reichstag le sanctionna, les crédits de