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baleines, de phoques et d’éléphans de mer, ceux-ci innombrables sur les récifs et dans les criques.

Jusqu’en 1840, c’est-à-dire jusqu’à la mémorable expédition de James Clark Ross, le silence se fit sur les Kerguelen. Les instructions remises à ce navigateur comportaient une série d’études sur le magnétisme terrestre et l’exploration des mers antarctiques. On sait avec quel succès il s’avança vers le Sud, découvrant la terre Victoria, franchissant le cercle polaire, s’attaquant à la grande barrière de glace, dont deux volcans, Erebus et Terror, semblent défendre l’accès, parvenant enfin à la latitude de 78° 9′ 30″ que personne au XIXe siècle ne dépassa. Par lui, le rebord du continent antarctique, dont sir Ernest Shackleton a récemment poussé l’exploration jusqu’à 179 kilomètres du pôle, fut révélé au monde savant. C’est là son titre de gloire ; mais il ne faut pas oublier les efforts qu’il fit pour atteindre le pôle magnétique, encore qu’il dût renoncer à ce projet.

Ross a installé des observatoires magnétiques temporaires à Sainte-Hélène, au cap de Bonne-Espérance, aux îles Crozet et aux Kerguelen, avant de poursuivre sa route jusqu’à la terre de Van Diemen (Tasmanie), où il prépara sa campagne antarctique.

Son intention était de consacrer un mois à ses observations astronomiques et magnétiques dans Port-Christmas (baie de l’Oiseau) ; mais il avait compté sans les courans et les bourrasques qui s’opposent au débarquement dans le Nord de l’archipel. Il ne lui fallut pas moins d’une semaine d’efforts pour atterrir et quand, deux mois après, sa tâche accomplie et ses instrumens portés à bord, il voulut appareiller, la tempête bloqua impitoyablement ses vaisseaux dans cette désagréable et maussade retraite[1]. En fait, arrivé le 5 mai 1840 dans les eaux des Kerguelen, Ross ne les quitta que le 20 juillet.

Cette série de contretemps eut ce bon côté de provoquer la découverte d’un plateau sous-marin, dit le « banc de l’Erebus, » qui s’étend à cent milles du cap Français, et du « récif Terror, » sur lequel la mer brise à 19 milles de la côte[2].

  1. A voyage of discovery and research, etc. Les chap. I et II du tome I contiennent des Pagès qui seraient la justification de la conduite du chevalier de Kerguelen, si on voulait bien considérer que l’Erebus et le Terror, parfaitement outillés et approvisionnés, étaient autrement capables de lutter contre les élémens déchaînés que la flûte la Fortune en 1772, le Rolland et la Dauphine en 1773-1774.
  2. Ibid., p. 60.