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leurs havres sûrs, seraient tout indiquées, par leur position géographique, pour constituer un dépôt de charbon. »


Cette idée fut reprise, à la fin du deuxième Empire, par une maison anglaise. La demande, régulièrement adressée, en 1868, à notre ministre de la Marine, causa, paraît-il, une véritable stupéfaction. « On fut fort surpris, rue Royale, car on ignorait que Kerguelen dépendît de notre domaine colonial ! On fit des recherches et on retrouva trace de la prise de possession[1]. » Cette grossière erreur ne peut être que le fait d’un employé subalterne et nous nous refusons à croire qu’un ministre de la Marine ait pu la commettre, alors qu’un simple coup d’œil sur les Annales hydrographiques[2] de 1865 aurait permis d’éviter une telle bévue. Elles contiennent, en effet, une petite carte et un article de dix Pagès sur « cette grande île située entre 48° 40′ et 50° de latitude Sud, et 66° 20′et 68° 20′ de longitude Est, découverte par M. de Kerguelen en 1772. » C’est déjà trop d’avoir à constater que, sur ce croquis très insuffisant, des noms anglais remplacent la plupart des dénominations françaises. Nous regrettons d’y voir Port-Christmas substitué à la baie de l’Oiseau, où M. de Rochegude aborda en 1774 et plus encore de n’y lire aucune mention de la baie du Gros-Ventre ou du Lion marin, où M. de Boisguehenneu atterrissait, avant tout autre, le 13 février 1772, contre vents et marées. Cette lacune est d’autant moins compréhensible qu’il eût suffi pour la combler de se reporter au volume des cartes et figures du troisième voyage de Cook, qui ne néglige pas ce détail[3].

Quelle que soit l’importance accordée à cet incident, on doit reconnaître qu’à la suite de la démarche dont il s’agit, il fut décidé qu’un bâtiment français, partant pour l’Extrême-Orient, toucherait aux îles Kerguelen. Mais la guerre de 1870 éclata et retarda la réalisation du projet.

On se contenta de donner à un petit croiseur le nom de Kerguelen et il fallut patienter encore une vingtaine d’années avant qu’une démonstration plus efficace confirmât nos droits.

Cependant les géologues commençaient à s’intéresser à ces

  1. La Géographie, XX, no 1, 15 juillet 1909, p. 63.
  2. Tome 28. Imprimerie Paul Dupont, 1866, p. 256 à 257. Dépôt des Cartes et Plans.
  3. Troisième voyage de Cook, etc., planche II.