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de climat et qui sont aujourd’hui colonisées et prospères. »

Ce fut aussi le sentiment de MM. René et Henry Bossière, fils d’un des derniers armateurs français qui aient équipé, il y a cinquante ans, un navire pour la pêche à la baleine. En 1881 et 1883, les deux frères, voyageant en Patagonie, avaient parcouru le détroit de Magellan, dont le climat rappelle celui des Kerguelen. Pas un mouton ne s’y rencontrait alors ; mais, peu après, l’expérience fut tentée jusque dans la Terre-de-Feu et donna des résultats inespérés. Rien donc ne s’opposait, en principe, au succès d’une pareille tentative dans notre archipel de l’Océan Indien. C’est ce que voulut établir M. René Bossière en consignant dans une petite brochure les renseignemens qu’il s’était procurés sur cette parcelle de notre empire d’outre-mer[1].

Il alla plus loin. D’accord avec son frère, il sollicita une mission officielle et une subvention pour l’entreprendre. La demande fut rejetée, mais l’idée fit son chemin.

Le 31 juillet 1893, un décret concéda à MM. Bossière, pour une période de cinquante ans, la jouissance des Kerguelen, avec autorisation d’y créer des établissemens de pêche et de commerce. Cet acte stipule que les concessionnaires pourvoiront, sans aide ni subside du Gouvernement, à la protection et à l’entretien de ces établissemens, la pêche devant rester libre pour les Français dans les eaux territoriales et l’État se réservant la faculté de reprendre, sans indemnité, les terrains nécessaires à ses services éventuels.

Des circonstances malencontreuses retardèrent, pendant quinze ans, les essais de colonisation. Quelque diligence que M. René Bossière ait apportée dans l’armement de son brick-goélette, le Kerguelen, qui appareilla du Havre en 1895, il ne parvint pas à le conduire à destination. Une véritable baraterie éclata ; la fièvre jaune décima l’équipage et réduisit à néant ce premier essai. Le deuxième ne fut pas plus heureux. Tandis que M. R. Bossière visitait La Plata, la Patagonie, la Terre-de-Feu, les Malouines, pour étudier de près l’élevage et les pêcheries, les siens organisaient une seconde expédition, dont le commandant de Gerlache avait accepté la direction ;

  1. Notice sur les îles Kerguelen, par R. Bossière. Paris, Challamel, 1893 ; — Questions diplomatiques et coloniales du 15 juin 1898 : Kerguelen, station navale et lieu de déportation, par M. Paul Thirion.