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présence, dans les parties basses des îles, d’un gazon épais formé d’acœna, excellent herbage qu’il y aura lieu d’utiliser par la suite. Les touffes d’azorella celago se rencontrent sur les coteaux jusqu’à une altitude moyenne de 500 mètres ; citons enfin le pringlea antiscorbutica, dont les propriétés n’avaient pas échappé à la perspicacité de Cook.

Sans revenir sur le nombre et la variété des oiseaux qui s’ébattent joyeusement sur le rivage, sauf à fournir plus tard un appoint appréciable à l’industrie plumassière, nous passons à une double question d’une importance considérable pour l’avenir des Kerguelen, celle des pêcheries et de la chasse aux phoques.


Rhodes, nous l’avons vu, a vanté les ressources que, déjà à son époque, les baleiniers tiraient d’une campagne de pêche dans ces mers ; mais ceux-ci, peu soucieux de se susciter des concurrens, sont restés silencieux, pour la plupart, sur leurs propres constatations.

M. René Bossière a, cependant, réussi à grouper sur ce point, les renseignemens épars[1]. Il résulte de ses recherches que, depuis leur découverte jusqu’à 1800, nos îles auraient fourni un million de peaux de phoques à fourrures. Longtemps elles furent expédiées sur le marché chinois. Cette chasse se poursuivit au cours du XIXe siècle, mais il y eut surexploitation. Deux goélettes américaines, rencontrées à Kerguelen par le Challenger en 1894, avaient pris en un jour 70 de ces amphibies dont la fourrure (seal skin), appelée improprement loutre dans le commerce, se vend à des prix rémunérateurs[2]. « J’ai beaucoup étudié la question pendant mon séjour dans l’Amérique du Sud, écrit M. René Bossière, et je crois pouvoir affirmer ceci : que le phoque commun (à huile) séjourne dans les baies abritées, et qu’au contraire le phoque à fourrure vit en « rockeries » (en familles) toujours sur les weather beaches, les plus exposées au mauvais temps. Or nous savons que les goélettes américaines Francis-Allen et Roswell-King fréquentaient, de préférence, le Sud et l’Ouest de Kerguelen, c’est-à-dire les rivages les plus dangereux. C’est donc là un indice certain que ces navires

  1. Nouvelle notice sur les îles Kerguelen, p. 30- ; 52. Paris, Challamel, 1907.
  2. La peau salée du phoque à fourrure s’achetait, paraît-il, 75 francs aux pêcheurs sur les marchés de Norvège dans ces dernières années.