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recherchaient le phoque à fourrure et non le phoque à huile. Les chasseurs ne le disaient pas, et pour cause. »

S’il n’est pas démontré qu’à l’heure actuelle le phoque à fourrure se rencontre encore sur ces côtes, en revanche, on peut certifier que le phoque à huile y revient périodiquement en nombre considérable, lors de la reproduction, c’est-à-dire de septembre à mars. Presque toutes les expéditions, que nous avons énumérées, ont signalé sa présence.

Les marins de l’Eure, de la Valdivia et du Gauss furent surpris de la quantité et des dimensions des éléphans de mer sommeillant sur le rivage, masses énormes, souvent inertes, mesurant de sept à huit mètres de longueur, que la venue de l’homme et les aboiemens des chiens ne semblaient pas inquiéter. M. H. J. Bull, dans son livre The Cruise of the Antarctic, fait assister le lecteur à de véritables hécatombes[1]. Il a lui-même conté dans une revue française sa croisière commerciale de 1893-94, entreprise pour le compte d’une société norvégienne, et c’est très simplement qu’il écrit à propos des Kerguelen : « Durant notre séjour de six semaines, nous ne tuâmes pas moins de 1 600 éléphans de mer d’une valeur d’environ 50 000 francs, ce qui faisait au propriétaire du bateau un beau bénéfice[2]. »

Les résultats obtenus par M. H. J. Bull ne seraient pas démentis par M. Gundersen, consul de Norvège à Melbourne, qui visita nos îles, en 1897-98, et chargea sur son brick-goélette Edward la graisse de 900 éléphans de mer, qui donna 52 000 kilogrammes d’huile.

Sur la pêche à la baleine, les renseignemens recueillis par M. René Bossière ne sont pas moins concluans.

Aux voiliers, armés autrefois pour ces campagnes aventureuses, plusieurs compagnies norvégiennes et américaines ont substitué, depuis une quinzaine d’années, des vapeurs, longs de 50 mètres environ, et munis de canons harponneurs. Ces engins

  1. Le trois-mâts barque Antarctic, qui transporta ce chargement, eut, quelques années plus tard, une fin héroïque. Depuis vingt-deux mois, il naviguait dans les mers du Sud avec le docteur Otto Nordenskjold, quand, le 10 février 1903, broyé par la pression des glaces, il s’abîma dans les flots. L’équipage, heureusement sain et sauf, avait assisté à la catastrophe et, contre toute espérance, il réussit à gagner la terre ferme sur la banquise en dérive.
  2. Questions diplomatiques et coloniales du 16 mai 1904. Kerguelen, par H. J. Bull, p. 748-753.