Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

château qui lui sera funeste, parle de la douceur de l’air et des martinets qui nichent dans les murailles, au lieu de noter en passant, comme il est donné par Shakspeare, ce poétique et dramatique détail, quelle erreur de le délayer, de le noyer dans une symphonie à la fois compliquée et banale ! Ailleurs, partout ailleurs, l’intonation vocale est au-dessous, à côté, quand ce n’est pas à l’opposé de la parole ; elle lui paraît, je ne dirai point hostile, mais indifférente et comme étrangère. De là, sinon la fausseté, souvent la froideur et la platitude. Le sens, très français jadis, de la déclamation lyrique, est en train de se perdre chez nous. Un canto che parla, ainsi définissaient leur opéra les créateurs de l’opéra de Florence. L’opéra de Paris ne sait plus ni parler, ni chanter.

Mélodie, harmonie, déclamation, disait un jour Verdi, « il y a tout cela dans la musique. Mais il y a autre chose encore : il y a la musique. » Dans la musique de Macbeth, en réalité, voilà ce qui manque le plus. Sous aucune forme, récitative ou mélodique, symphonique ou chorale, la musique, à proprement parler, n’existe ici. Nous ne percevons d’elle que des semblans, jamais la substance, des velléités au lieu d’un ferme vouloir, d’un parti qu’on prend une bonne fois et qu’on soutient. À tout moment, au sein de ce chaos instable et de ce stérile fracas, l’auditeur est tenté d’interrompre et de dire : « Voyons ! Nous avons ici un orchestre, des chanteurs. Si nous en profitions pour faire un peu de musique, de la vraie, de celle qui donne l’impression, non de l’anarchie et du désordre, mais de l’ordre, de la composition et de la hiérarchie ! De celle-là aussi, — puisque nous sommes au théâtre, — qui représente l’humanité et la vie. » Une chose peut surprendre. En cet opéra d’un musicien encore jeune, en cet opéra dont le sujet est Macbeth, on ne trouve pas un mouvement d’émotion, pas même un trait de sensibilité. Un jour que Garât chantait le duo de Don Juan (celui qui suit la mort du Commandeur) avec une partenaire à son gré trop indifférente : « Eh quoi ! madame, lui dit-il, si froidement ! Quand le corps est là ! » Que le corps de Duncan soit derrière cette porte, que l’ombre de Banquo vienne s’asseoir à cette table, Macbeth a beau crier, rugir, et l’orchestre avec lui, plus fort que lui, la musique de M. Bloch ne s’échauffe et ne nous échauffe pas. Le mystère et l’effroi n’habitent point la lande où prophétisent les sorcières, et sur la main, sur la petite main de la promeneuse pâle, c’est à croire que le musicien n’a pas vu la tâche de sang.

Il semble également que Mme Bréval ait donné de la scène fameuse