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en réalité, les situations étaient les mêmes, mais les hommes étaient changés. Ainsi, après une oscillation dans un sens, une oscillation dans le sens opposé s’est produite avec la même amplitude, et on a pu voir une fois de plus à quel point l’Allemagne était encore loin du gouvernement parlementaire. Le chancelier a rectifié la position prise par son devancier ; le Reichstag a fait amende honorable ; l’Empereur est rentré dans les attributions illimitées qu’il tient de Dieu et de ses ancêtres, il peut parler et agir à son gré ; et il est probable que M. de Bethmann-Hollweg a fortifié sa situation exactement dans la proportion où M. de Bülow avait affaibli la sienne. Ce sont pourtant là des avantages dont il vaut mieux ne pas abuser.


Nous ne ferons pour le moment que noter le succès que M. Venizelos a remporté en Grèce sur le terrain électoral. Les chefs des anciens partis avaient donné à leurs amis le mot d’ordre de s’abstenir, mais les candidats du gouvernement n’en ont pas moins obtenu des majorités considérables et M. Venizelos a aujourd’hui une Chambre qui, au moins pendant quelque temps, le soutiendra avec dévouement. Il a exposé son programme dans un grand discours où il a fait des promesses plus grandes encore ; cela rappelle ce qu’on a appelé autrefois en France le programme de Belleville ; il y a là du bon et du mauvais, il y a de tout, il ne faut pas y regarder de trop près. On se demande toutefois pourquoi M. Venizelos s’est cru obligé de parler de tant de choses, puisqu’il s’agissait de faire élire une simple Chambre révisionniste, qui devra sans doute faire bientôt place à une autre : alors, peut-être, l’ère des difficultés commencera. En attendant, tout a réussi à M. Venizelos, et il faut reconnaître qu’il a fait preuve de grandes qualités de résolution et d’exécution. Il a renouvelé l’atmosphère politique qui avait singulièrement besoin d’être assainie. Sa principale force est dans la lassitude du pays qui, dégoûté des anciens partis et revenu des fausses espérances qu’avait fait naître la Ligue militaire, veut voir du nouveau. M. Venizelos lui en promet, et il y a tant de choses à réparer en Grèce, qu’il pourra sans doute lui en donner.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, FRANCIS CHARMES.