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Pranckh se trouvèrent à Berg à l’heure indiquée. « On n’avait jamais vu, dit Pranckh, le Roi aussi satisfait. « Comme l’aide de camp de service lui exprimait ses félicitations, il répondit : « Oui, j’ai le sentiment d’avoir fait une bonne action.  » Bray n’avait plus qu’à s’incliner. Cela lui fut d’autant plus facile qu’il trouva, en rentrant aux Affaires étrangères, le refus de l’Angleterre d’appuyer et celui du roi de Prusse d’accueillir sa suggestion. Il annonça aussitôt à Berlin la décision royale, ne stipulant rien en échange : il espérait, disait-il, que la Bavière ne serait pas traitée plus mal après la guerre qu’elle l’était avant.

Le lendemain, 17 juillet, revenu à Munich vers quatre heures de l’après-midi, le Roi fut accueilli par une manifestation. Malgré une pluie battante, la foule enthousiaste, assemblée devant la résidence, l’acclamait, tête découverte et entonnait l’hymne populaire, le chant de la patrie allemande. Il se montra à la fenêtre, et salua avec une gaîté inusitée. Quelque bruyante que fût cette manifestation, elle ne représentait cependant que la fraction agitée et agissante du clan prussien créé par Bismarck et ses journaux salariés. La majorité du peuple bavarois n’y participait pas ; elle le démontra quelques jours plus tard, quand le Roi alla recevoir à la gare le prince royal de Prusse. « Le public, dit le prince de Hohenlohe dans ses Mémoires[1], salua sympathiquement et poussa quelques hourras, mais pas bien forts. Il comptait surtout des gens de la classe inférieure, ouvriers, etc., qui n’ont pas, à Munich, un enthousiasme prononcé pour la guerre, ni grande envie d’acclamer un prince prussien.  »

Le 18 juillet, Bray demanda à la Chambre un subside extraordinaire de 26 700 000 florins pour la mobilisation et le maintien sur pied de guerre jusqu’à la fin de 1870. La demande fut renvoyée à un Comité, qui l’approuva, « mais seulement pour le maintien d’une neutralité armée.  » Le rapporteur fut le même Jœrg qui avait si rudement caractérisé la candidature Hohenzollern. Son rapport ne fut pas moins explicite : « La complication belliqueuse actuelle entre la France et la Prusse ne rentre pas dans un casus fœderis. La cause de cette triste complication reste en dehors du domaine des intérêts et de l’honneur allemands. Elle est proprement issue d’une sorte de politique domestique de la Prusse, qui, poursuivant

  1. Mémoires du prince Clovis de Hohenlohe, t. II, p. 121.