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espagnole restât, tranquillement, l’arme au pied derrière les Pyrénées, à regarder les Allemands se battre à mort contre la France pour sauvegarder l’indépendance de l’Espagne et lui assurer la libre élection de son Roi.  » On touche ici du doigt l’intérêt de Bismarck à introniser une de ses créatures en Espagne.

Nous redoublâmes de vigilance à la frontière, même contre les Alphonsistes, afin de ne donner aucun prétexte au mécontentement hargneux du complice déjoué de Bismarck. Il finit par se tenir tranquille et se rallia à la politique de neutralité de Serrano. L’Espagne affirma officiellement cette neutralité le 28 juillet.


X

Le roi de Roumanie avait été quelque peu troublé de l’initiative de Strat. Il en avait fait confidence à son père, si l’on en juge par la lettre que lui écrivit celui-ci : « Je dois décidément prendre ton Strat sous ma protection, car il s’est montré un serviteur dévoué et fidèle de ta personne et par conséquent aussi de ta famille. Il fut la cause que je rendis publique la renonciation de Léopold peut-être vingt-quatre heures plus tôt que je ne l’aurais fait sans ses pressans conseils. Je te prie de ne pas blâmer Strat, mais de le féliciter d’autant plus de ses bonnes intentions qu’il savait que les adversaires en Roumanie avaient souhaité la guerre pour pouvoir te renverser. C’est pour cela que Strat voulait à tout prix détourner la guerre, car lui-même, pas plus que personne en France, n’avait le plus lointain sentiment de l’écrasante supériorité de nos armes.  »

Strat, rentré à Paris, s’était employé, sans perdre un instant, à assurer à son prince les bénéfices de son initiative. Il écrivait à Olozaga : « Monsieur l’ambassadeur, j’ai eu l’honneur de vous entretenir plusieurs fois de la situation difficile que les événemens récens ont faite au prince Charles de Roumanie. En butte, depuis longtemps déjà, aux sourdes menées des agitateurs roumains et des factions rivales ainsi qu’aux rancunes de la Russie, sa qualité de prince d’origine prussienne lui donne aujourd’hui l’apparence d’un adversaire de la France, quand, au contraire, il a tout fait pour épargner au gouvernement de l’Empereur les fâcheuses extrémités de la guerre. Cette situation équivoque a