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votre conscience et votre intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre. »

Les douze jurés écoutent debout cette lecture ; ils lèvent ensuite la main, et chacun répond : « Je le jure ! » L’audience s’ouvre ainsi par un acte solennel où la gravité du débat qui va se poursuivre est annoncée de la manière la plus émouvante. Dès lors les péripéties de la procédure vont se dérouler d’un rythme sûr, claires aux esprits les plus profanes, et saisissantes toujours : explications de l’accusé, dépositions des témoins qui le chargent ou le déchargent, réquisitoire, enfin plaidoirie. C’est la recherche de la vérité qui fait la texture de ce drame, et il n’est pas de drame plus passionnant, car il met aux prises toute la puissance sociale et toute l’énergie individuelle. Cependant, le droit de punir triomphe, moins encore par le châtiment infligé au crime que par l’intimidation qui prévient d’autres crimes. Aussi l’appareil de la justice criminelle sera-t-il imposant et même théâtral. Dans un pays et pour un peuple violemment épris de représentation, il est nécessaire que le président de la Cour soit un magistrat de robe rouge, arbitre du débat, armé d’un pouvoir discrétionnaire ; que les témoins prêtent serment en termes sacramentels ; que les jurés, de qui dépend la sentence, soient enfermés dans un silence où il ne leur est permis ni une question, ni une remarque qui révéleraient leur opinion ; que, devant ce jury muet dont les visages sont en pleine ombre, l’accusé, entouré de ses gardes, soit, lui, en pleine lumière ; qu’enfin toute la lutte soit non seulement publique, mais orale… Les auteurs du Code d’instruction criminelle ont estimé tout cela nécessaire ; c’étaient de parfaits juristes et des psychologues avisés.

Or, dans cette audience vibrante d’émotions, dans ce combat suprême entre la société et l’accusé, ils avaient donné un rôle honorable à ce nouveau venu, l’avocat. Et il est arrivé très vite que le novice a fait de son personnage le centre même du drame. Le plaidoyer devait venir à son heure pour opposer les argumens de la défense à ceux de l’accusation. Il est apparu bientôt comme le morceau essentiel du débat, et, plus encore, l’avocat comme le rouage qui pouvait décider du sort en faveur de l’accusé. C’est qu’en effet toute cette organisation, tout cet appareil, et la liberté de cette lutte convenaient merveilleusement aux qualités maîtresses et à certains défauts de l’avocat