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cela seul qu’il appartient à l’Ordre, au choix des justiciables. Monopole de fait, dira-t-on ; à coup sûr, mais uniquement fondé sur les garanties offertes et les services rendus ; en somme créé puis entretenu, d’un côté par les plaideurs qui, pour les assister dans un procès, s’adressent à l’avocat ; d’un autre côté, par les magistrats qui trouvent dans l’expérience, le savoir et la probité du Barreau les meilleurs auxiliaires. Le Code civil avait réservé seulement aux avocats le droit de signer certaines consultations : ils furent ensuite appelés à compléter, par ordre d’ancienneté, la Cour ou le tribunal dont un des membres se trouverait empêché ; la loi de 1898 les désigne pour assister les inculpés dans les interrogatoires devant le juge d’instruction ; la loi sur les justices de paix leur permet de se présenter devant ces tribunaux sans pouvoir des parties… Et c’est tout. Ce n’est presque rien, quand on regarde au contenu de ces lois ; c’est considérable quand on voit ce que le Barreau en a su retirer.

Il faut reconnaître ici le merveilleux effet d’une discipline. L’entrée du Barreau, comme on a pu le constater, est ouverte à tous les licenciés en droit qui sont des hommes probes et n’exercent aucune profession incompatible avec celle d’avocat. L’Ordre est assuré de ne compter que des honnêtes gens, libres de toute dépendance. Il leur offre aussitôt l’immense avantage de la solidarité et les astreint aux règles professionnelles. Ces règles se réduisent, à quelques principes très simples toujours, elles ont pour objet de fortifier, soit la dignité, soit l’indépendance de l’avocat ; elles profitent donc, en définitive, au plaideur, dont l’intérêt veut que son avocat soit indépendant et digne. Elles interdisent ainsi, par exemple, aux membres du Barreau de Paris d’accepter un mandat, et elles les préservent des obligations, des responsabilités qui en dérivent, pour que, suivant la belle formule de Cresson, chacun d’eux reste « son maître et son juge. » Elles leur interdisent de formuler une réclamation d’honoraires et d’en saisir la justice : elles maintiennent par là l’indépendance absolue que le Barreau défendait en 1602 au péril de son existence… Toutes se justifient de la sorte, issues d’une longue tradition, dictées par la nécessité d’une profession qui doit constamment fournir à de graves intérêt l’appui le plus sûr, inspirer aux magistrats la plus large confiance. Le Conseil de l’Ordre, élu par l’Assemblée générale veille à l’observation de cette discipline. Le sentiment de la