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l’administration et qui est toujours un musulman, bien que les quatre cinquièmes des habitans soient israélites ou chrétiens ; dans toutes les villes où la majorité n’appartient pas aux musulmans, le maire est musulman. Dans [les villages, il n’existe qu’une organisation municipale rudimentaire. On trouverait dans le code une loi qui organise, sous le nom de nahiés, des municipalités, mais elle n’a jamais reçu que des commencemens d’application ; le nahié est une circonscription trop vaste, qui ne correspond pas du tout à notre commune ; parmi les nakiés organisés, il en est qui réunissent trente-cinq et jusqu’à quatre-vingt-dix villages. Ainsi, dans le domaine administratif, tout est à faire. Un projet de loi portant réorganisation des vilayets est actuellement soumis à l’examen du Conseil d’État, mais on ne saurait prévoir quand il pourra être voté. Tant qu’une hiérarchie régulière de circonscriptions administratives n’aura pas été effectivement créée et organisée, aucune administration régulièrement bienfaisante ne pourra fonctionner en Turquie. Mais il semble que, pour les Jeunes-Turcs, réforme soit synonyme de centralisation ; au seul mot de décentralisation, qui cependant est inscrit dans la constitution de Midhat pacha, ils s’irritent et s’alarment ; ils croient l’unité et l’intégrité de l’Empire en péril. Cependant, sans une vie provinciale et locale bien organisée, sans une administration assez souple pour s’adapter aux besoins de populations diverses, il n’est pas, pour l’Empire ottoman, de prospérité ni de développement économique possibles. Cette mosaïque de races et de religions ne peut pas devenir du jour au lendemain une république « une et indivisible. » Certaines régions lointaines, comme la Tripolitaine ou ; la péninsule arabique, ne sauraient être gouvernées comme la banlieue de Constantinople ; ce sont des colonies, qui devraient être administrées comme telles.

Dans l’ancienne Turquie, l’organisation judiciaire était déplorable et, plus encore, la manière de rendre la justice ; ni l’une ni l’autre ne sont encore parfaites dans la Jeune-Turquie, toutefois des efforts utiles ont été faits. Les traitemens des juges ont été relevés, mais ils restent encore insuffisans ; un magistrat, même turc, doit être mis à l’abri des tentations. On a commencé à séparer l’organisation religieuse de l’organisation judiciaire, à laïciser la justice ; les juges ne seront plus, à l’avenir, des cadis, ou des naïbs, mais des laïques. Malheureusement