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le second pas, c’eût été de restreindre l’action des consuls à ce qu’elle est dans les pays civilisés ; mais le premier aurait dû être de mettre fin pour jamais aux abus qui ont rendu si bienfaisante, durant de longs siècles, l’intervention des consuls.

Le but consciemment et méthodiquement poursuivi par le gouvernement jeune-turc, en Macédoine, ce n’est pas l’extirpation des bandes, car c’est les renforcer et faciliter leur propagande que de persécuter les paysans ; ce n’est pas la sécurité du pays : c’est la prépondérance de l’élément musulman, de l’élément turc, sur l’élément chrétien. Nous voilà loin des principes d’égalité inscrits dans la Constitution et proclamés par la révolution. On laisse partir les Bulgares qui veulent s’embarquer pour l’Amérique, mais on refuse l’entrée des ports à ceux qui reviennent ; enfin, partout où l’administration peut trouver des terres vacantes, elle y installe des mohadjirs, musulmans émigrés de Bosnie et d’Herzégovine. Ces nouveaux venus troublent le pays, molestent leurs voisins chrétiens et, souvent, se hâtent de vendre la terre qu’on leur a donnée pour courir les aventures ; ils sont, dans la malheureuse Macédoine, une cause nouvelle de troubles et d’insécurité. Cependant, le congrès récent du Comité Union et Progrès à Salonique a décidé de consacrer de grosses sommes à l’installation de nouveaux mohadjirs le long des lignes de chemins de fer et partout où l’élément chrétien est en majorité. Ainsi s’affirme la volonté, non plus d’ottomaniser, mais d’islamiser, de « turciser » la Macédoine. Si les Jeunes-Turcs avaient la volonté d’y rétablir la concorde et la paix, c’est par des réformes sociales qu’ils y réussiraient : la clef du problème macédonien est là[1] ; quand les Jeunes-Turcs l’auront résolu par une refonte du droit de propriété et de la perception des dîmes, ils auront définitivement gagné la bataille et assuré leur avenir. Ils ont voulu désarmer la Macédoine ; mais désarmer en saisissant quelques fusils n’est qu’un trompe-l’œil, car on remplace les fusils : désarmer, c’est faire tomber les armes des mains en gagnant les cœurs ; ce n’est pas la méthode des Jeunes-Turcs : c’est pourtant la seule qui donne des résultats définitifs.

Il semble cependant que, depuis le congrès de Salonique, une détente se fasse sentir. Les plus intelligens parmi les

  1. Voyez la Revue du 15 mai 1907 ou notre ouvrage l’Europe et l’Empire ottoman, p. 155 (Perrin, éditeur).