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d’amoindrir le gage ; à l’avenir, c’est-à-dire aux gros emprunts auxquels le gouvernement turc aura certainement recours avant peu ; Halil bey, dans son discours de Salonique, annonce déjà comme prochain un emprunt de 25 millions de livres turques, c’est-à-dire plus de 500 millions de francs, pour la mise en valeur des ressources économiques de l’Empire. De pareilles sommes ne pourraient être actuellement prêtées à l’Empire ottoman, sur les ressources générales de son budget, que si le ministère turc lui-même proposait un moyen, si discret soit-il, qui permît à ses créanciers de s’assurer de sa bonne gestion. Il était naturel que le gouvernement français demandât aussi quelques garanties politiques : il ne pouvait admettre que les millions prêtés par la France pussent servir, quelques jours après, à mobiliser l’armée turque, ou à acheter des armes en Allemagne. Dans les commandes faites par le gouvernement ottoman, la France ne demandait que d’avoir une part égale à celle de la nation la plus favorisée. Djavid bey refusa ces conditions. Des amis imprudens lui avaient persuadé qu’il trouverait aisément à Paris un groupe financier plus hardi, plus accommodant que celui de la Banque Ottomane. Et quant à la cote à la Bourse de Paris, n’était-on pas certain de l’obtenir, lui disait-on, avec l’aide d’une presse vénale, d’un gouvernement corruptible ? Djavid bey écouta ces conseils intéressés ; il eut, à Paris, des attitudes de conquérant qui rendirent les pourparlers impossibles. Les négociations reprirent avec le grand-vizir Hakki pacha, sans aboutir à une entente. C’est alors que le baron de Marschall, prenant texte des conditions demandées par la France, se posa en défenseur de l’indépendance ottomane et fit croire aux Jeunes-Turcs que nous voulions les mettre en tutelle. Il suggéra de s’adresser aux banques austro-allemandes ; elles ont dû se réunir à 32 pour trouver les capitaux nécessaires dans des conditions très onéreuses pour la Turquie : le service que l’Allemagne rend à la Turquie coûte à celle-ci 12 millions de francs ! L’Allemagne entre dans une voie dangereuse ; elle accorde, sans aucune garantie de gestion, un emprunt à la Turquie sur l’une des ressources générales de son budget, les douanes de Constantinople[1] ; c’est un procédé

  1. L’emprunt n’est pas encore fait. Les millions sont fournis par tranches au gouvernement turc au moyen de bons du trésor à 8 pour 100 ; l’emprunt sera émis pour rembourser ces bons du trésor.