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GEROLAMO ROVETTA
D’APRÈS UNE RÉCENTE PUBLICATION[1]


I

Ce fut un homme aimé des dieux. Lorsqu’il mourut, le 8 mai dernier, à l’heure où ceux qui vont quitter la terre voient d’un seul coup d’œil tout ce qu’ils firent et tout ce qu’ils furent, une longue suite d’années heureuses et glorieuses lui apparut ; et il put s’endormir paisiblement de son dernier sommeil. Il ne connut pas les débuts pénibles des auteurs pauvres, le manuscrit qu’on va porter en tremblant chez un éditeur dédaigneux, et qui ne représente pas seulement la gloire de demain, mais le pain d’aujourd’hui. Car ces infortunes se rencontrent ailleurs que dans les romans ; et plus d’un, même arrivé au succès, garde le souvenir amer d’une vie qui ne lui fut pas clémente. Elle fut clémente à Rovetta, né riche, et presque grand seigneur. On le surprit à parler lui-même de ses biens, sans affectation et sans vergogne, comme d’un privilège naturel qu’il avait trouvé en venant au monde. Il compta parmi les jeunes élégans qui font le beau sur le Corso de leur ville ; il compta parmi les bourgeois de Milan, ayant maison Piazza di Castello ; plutôt que bourgeois même, il fut aristocrate, gardant toujours un je ne sais quoi de distingué dans ses allures et dans sa mise : ceux

  1. Paolo Arcari, Un meccanismo umano. Saggio di una nuova conoscenza letteraria. Volume primo : l’Attività apprensiva. Milano, 1909, in-8. Suivront l’Intensità sentimentale dont M. Arcari a bien voulu nous communiquer les épreuves ; et la Capacità di trasformazione teoretica.