Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/446

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ces soleils exaltés, ces œillets, ces cantiques,
Ces accablans bonheurs, ces éclairs dans la nuit,
Désormais dormiront dans mon cœur léthargique
Oui veut se repentir autant qu’il vous a nui ;

Allez vers votre simple et calme destinée ;
Et comme la lueur d’un phare diligent
Suit longtemps sur la mer les barques étonnées,
Je verserai sur vous ma lumière d’argent…


LA NUIT


« Zeus lui-même considérait la nuit avec une crainte respectueuse. »



Qui pourrait déchiffrer la nuit silencieuse ?
Les Nombres sont en elle éclatans et secrets.
Comme un jour plus subtil, sa blanchâtre veilleuse
Accorde la clarté jusqu’aux sombres forêts.

Sa douceur monotone et sa couleur unique
Font une lueur vaste, absolue et sans bords.
Comme un haut monument éternel et mystique,
Elle semble arrêtée entre l’air et la mort.

— Que j’aime votre exacte, uniforme lumière,
Sans saillie et sans heurts, sans flèche et sans élan,
Où les noirs peupliers, recueillis, indolens,
Semblent, dans l’éther blanc, de visibles prières !

— Nuit paisible, pareille aux rochers des torrens,
Vous laissez émaner des parfums froids et tristes,
Et dans votre caveau, pâle et grave, persiste
L’âme des premiers temps et les esprits errans.

Est-ce un lointain rappel des heures primitives
Où l’inquiet désir se défiait du jour
Qui fait que nous aimons votre lampe plaintive,
Et qu’on se croit la nuit plus proche de l’amour ?