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de tous côtés, des documens que nous avions l’habitude de tenir pour authentiques ont été pareillement abrégés, modifiés, souvent même encombrés d’additions arbitraires, par ceux qui jadis s’étaient trouvés chargés de leur publication. C’est ainsi que, tout récemment encore, deux ou trois reproductions fidèles de lettres de Mozart et de son père nous ont révélé que la veuve du maître de Salzbourg et son second mari, le diplomate danois Nissen, avant de recueillir en volume ces précieuses lettres, se sont permis de leur faire subir une foule incroyable de changemens inutiles, soit pour en rendre la langue moins incorrecte et plus « distinguée, » ou pour en effacer toute trace de l’origine et : de l’éducation « démocratiques » de l’auteur de Don Juan, ou peut-être, seulement, par un besoin maladif de travestir à leur guise le texte véritable. Et le bonheur a voulu que, au contraire des lettres de Humboldt, dont une partie a disparu pour toujours, les originaux des lettres de Mozart survécussent tout entiers à Salzbourg, dans les armoires du Mozarteum ; mais, hélas ! lorsque le même M. Albert Leitzmann, après nous avoir restitué le texte authentique des Lettres de Humboldt à une Amie, a voulu comparer de la même façon le texte mensonger des lettres de Mozart avec les documens originaux du Mozarteum, une fois de plus l’administration de cet établissement, — créé pour servir de bibliothèque ou d’archives à la disposition de tous les admirateurs de Mozart, — lui a répondu que personne ne pouvait être admis à étudier aucun des documens dont elle avait la garde ! Réponse dont M. Leitzmann a eu mille fois raison de se plaindre, dans sa nouvelle édition des Lettres de Mozart[1] ; et ; je serais trop heureux que ma voix, unie à la sienne, pût enfin réussir à améliorer une situation des plus regrettables, qui naguère m’a empêché, moi-même, de poursuivre l’étude commencée ici sur les premiers voyages et la première éducation musicale du petit Mozart.

Toujours est-il que, grâce à M. Leitzmann, nous possédons aujourd’hui une édition absolument imprévue et nouvelle ! des Lettres de Humboldt à une Amie : une édition où non seulement nous apprenons à connaître maints passages supprimés autrefois par Charlotte Diede, mais où nous découvrons, à chaque instant, que l’opinion de l’auteur sur Gœthe et Schiller, sur les droits de la femme, sur divers points. importans de critique littéraire ou de philosophie, a été exactement l’opposé de ce que nous faisait croire une correspondante toujours prête à remplacer par ses propres vues celles de son illustre ami qui

  1. Mozart’s Briefe, ansgewœhlt und herausgegeben von Albert Leitzmann, 1 vol. in-18, Leipzig, 1910.