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auxquelles on finit par succomber lorsqu’on s’y expose trop souvent


Il s’en faut de beaucoup que ce que nous avons écrit il y a quinze jours sur l’entrevue de Potsdam et sur ses suites ait épuisé la question ; jamais on n’en a autant parlé que depuis ce moment ; jamais la presse internationale n’a été plus active, et il faut avouer que jamais non plus la confusion des idées n’a été aussi grande. Heureusement, est survenue la publication d’un projet de convention entre la Russie et l’Allemagne, relatif aux chemins de fer d’Asie. Alors on a commencé à y voir un peu plus clair, la lecture du projet ayant donné une direction aux esprits qui menaçaient de se perdre dans le dédale de polémiques sans précision et sans fin. D’où venait cette confusion ? Elle venait, beaucoup moins du discours prononcé au Reichstag par le chancelier impérial, que des commentaires dont la presse allemande l’a aussitôt enrichi. Il n’y avait certainement dans ce discours rien qui ne fût vrai au pied de la lettre ; mais l’orateur avait tourné les choses de manière à laisser croire que les entretiens de Potsdam avaient eu encore plus d’importance qu’ils n’en ont eu en réalité. Si telle a été son intention, elle a été pleinement réalisée, au moins en Allemagne. Dieu nous garde de rendre le chancelier responsable des exagérations de certains journaux germaniques ; ce serait certainement une injustice ; mais, à lire ces journaux, il ne restait plus-rien de l’alliance franco-russe ; nos alliés nous avaient abandonnés, sans même nous en prévenir, et étaient passés dans le camp opposé. Les journaux allemands ignorent volontiers les nuances et les demi-teintes ; ils vont tout de suite aux expressions les plus fortes et quelquefois les plus violentes de leur opinion ; nous y sommes habitués. Aussi les avons-nous lus avec quelque scepticisme et avons-nous attendu les événemens avec patience : en quoi nous avons eu raison, car, au bout de quelques jours, ces mêmes journaux se détournaient de nous et s’en prenaient à la presse russe avec laquelle ils n’étaient pas d’accord sur l’entrevue de Potsdam. Nous n’avions plus rien à faire qu’à écouter et à regarder, et nous n’avons pas tardé à apprendre des choses qui n’étaient pas sans intérêt pour nous.

Le passage du discours de M. de Bethmann-Hollweg qui a donné lieu à l’équivoque paraît être surtout le suivant : « Il a été de nouveau établi qu’aucun des deux gouvernemens ne participe à aucune espèce de combinaison qui pourrait avoir une pointe agressive contre l’autre. En ce sens, nous avons eu particulièrement l’occasion de constater que l’Allemagne et la Russie ont un intérêt égal au maintien du statu quo