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dans les Balkans et en général en Orient, et par suite n’appuieront aucune politique, de quelque côté qu’elle vienne, qui viserait à détruire ce statu quo. » Ces mots ont sans doute une valeur sérieuse, mais il ne faut pas en exagérer la portée. La première partie de notre citation énonce un fait qui a été affirmé en maintes circonstances par le gouvernement français et par le gouvernement russe : ils ont répété l’un et l’autre, toutes les fois que l’occasion s’en est offerte à eux, que leur alliance était purement défensive et n’avait d’autre but que de maintenir la paix. Le gouvernement allemand a affirmé de son côté, avec non moins de force, qu’il en était de même de son alliance avec l’Autriche et l’Italie. Cela étant, on n’a pas fait une grande découverte à Potsdam lorsqu’on y a constaté que les deux gouvernemens n’étaient entrés dans aucune combinaison qui pourrait avoir une pointe agressive : il n’y a en effet dans ces combinaisons qu’un bouclier défensif. Il faut croire qu’en dépit de toutes les explications, on s’était obstiné à penser en Allemagne qu’il y avait dans l’alliance franco-russe une pointe dirigée contre quelqu’un, puisque, lorsqu’on a appris que cette pointe n’existait pas, on s’est écrié que l’alliance elle-même n’existait donc plus, ou, pour mieux dire, qu’elle était rompue. Certes, ce n’est pas la faute de M. de Bethmann-Hollweg ; il avait pris soin de déclarer que des entretiens comme ceux de Potsdam « n’amenaient de renversemens de nature à ébranler le monde que dans la presse, mais non pas dans le domaine réel ; » et revenant un peu plus loin sur la même idée, il avait ajouté que l’entente en voie de se faire n’amènerait pour les deux gouvernemens « aucun changement dans l’orientation actuelle de leur politique. » Malgré toutes ces réserves, si nettement exprimées, les esprits sont aussitôt partis en campagne. Les choses prennent un aspect très différent suivant qu’on les regarde à travers les préjugés et les préventions populaires, dont les journaux sont trop souvent les organes, ou qu’on les porte à cette hauteur que M. Guizot appelait « la région des gouvernemens. »

On a beaucoup exagéré en Europe les préoccupations de la France au sujet de l’entrevue de Potsdam. Nous n’avons jamais douté de notre allié, nous n’avions aucune raison de le faire ; mais enfin certains entraînemens de parole peuvent se produire, quelques malentendus peuvent naître dans des entretiens avec des partenaires habiles et prompts à tirer parti de tout. Il était en tout cas très loin de notre pensée de prendre en mauvaise part la détente qui paraissait avoir eu lieu entre la Russie et l’Allemagne ; cette détente était désirable ; personne n’avait intérêt au maintien de la tension provoquée par