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à la discussion. Ce jour-là fut diplomatiquement le jour néfaste, le jour de la débâcle.


IV

Beust ne dissimula ni aux Anglais, ni aux Russes le caractère véritable de sa neutralité et l’insignifiance des arméniens qui l’accompagnaient. « Ce n’était, dit-il à Bloomfield, que des mesures de précaution nullement destinées à influencer les mouvemens militaires de la Prusse. » Mais avec nous il commentait autrement la délibération du 18 ; il en grossissait l’importance, la dénaturait, enguirlandait nos agens et nous faisait enguirlander par Metternich. Il commença par mettre une sourdine à cette neutralité déclarée qu’Andrassy lui avait imposée ; il ne la formula pas dans une notification solennelle ; il en instruisit ses agens par une circulaire et il écrivit à notre adresse (20 juillet) une dépêche officielle et une lettre intime à Metternich dans laquelle il reprenait l’ambiguïté que la décision du 18 juillet avait déroutée : « Mon prince, nous avons différé jusqu’ici de nous expliquer sur l’attitude que nous aurions à prendre dans le cas où la guerre deviendrait inévitable. Nous désirons en atténuer les effets. Afin d’atteindre ce résultat, le gouvernement impérial et royal doit garder dans les conjonctures présentes une attitude passive, et la neutralité lui est donc commandée. Cette altitude n’exclut pas assurément le devoir de veiller à la sécurité de la monarchie, en se mettant en mesure de la préserver de tout péril éventuel. Le gouvernement prendra des mesures militaires ; elles seront dans son intérêt propre, uniquement pour faire respecter son indépendance et pour qu’il puisse résister à toute pression comme à tout entraînement irréfléchi. » Metternich est invité à « s’énoncer dans ce sens aussi souvent qu’il aura l’occasion de s’expliquer sur ce sujet. »

Cette dépêche n’était pas destinée à nous être communiquée : c’était un thème dicté à Metternich pour ses entretiens avec nous. Beust prévoyait très bien que cette expression réelle de sa pensée nous serait désagréable et que nous pourrions lui en savoir mauvais gré. Il se mit en règle avec notre fortune en adressant une lettre intime à son « cher ami » Metternich pour lui prescrire un langage tout contraire. « Vitzthum a rendu compte à notre auguste maître d » message verbal dont