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les attendait avec anxiété pour décider de quel côté il concentrerait son armée et, s’il a compromis cette armée en la laissant jusqu’au 6 août disséminée sur une immense étendue, c’est en partie à cause de l’incertitude dans laquelle le maintenaient les paroles rassurantes de Beust. Cette duplicité autrichienne a été une des causes de nos premiers revers.


IX

Le prince Napoléon a attribué cet échec de l’alliance qui nous eût donné la supériorité du nombre, à notre volonté de sauver le pouvoir temporel : « L’issue malheureuse de la guerre vient de l’occupation de Rome ; le maintien du pouvoir temporel des papes nous a coûté l’Alsace et la Lorraine. C’est une vérité diplomatique et historique. Si nous avions eu des alliances sérieuses, le résultat de la guerre eût été tout autre. Eh bien ! ces alliances étaient prêtes, elles existaient ; seulement, il n’y avait qu’une question pendante, celle du pouvoir temporel des papes. Si on avait abandonné ce pouvoir temporel, on aurait eu une alliance immédiate et une alliance éloignée qui ne se serait pas fait attendre longtemps[1]. »

Tous les ennemis de l’Empire et de la Papauté ont adopté cette thèse dans la pensée de rendre l’Empire haïssable et la Papauté odieuse, et il est devenu de lieu commun historique de dire que si nous avions livré Rome aux Italiens, nous aurions eu à nos côtés l’Italie et l’Autriche et n’aurions pas sacrifié la patrie, à la sauvegarde d’une souveraineté décrépite. C’est la « fanatique Espagnole, » l’Impératrice, qui aurait déterminé nos résolutions : « Je préfère, aurait-elle dit, les Prussiens à Paris aux Italiens à Rome. » Gramont, interpellé sur les raisons d’une politique qui avait tout perdu, aurait répondu : « Je ne pouvais rien, j’étais lié par l’Impératrice. »

Ecartons l’Impératrice : elle n’a jamais tenu le propos abominable qu’on lui prête, et Gramont n’a jamais non plus proféré contre elle l’injuste accusation qu’on a mise dans sa bouche. Elle a approuvé le refus opposé par le Cabinet à la suggestion de Beust de livrer Rome à l’Italie, mais elle ne l’a pas provoqué ; l’initiative en a été prise en dehors d’elle par Gramont et moi. Si elle avait été la fanatique ultramontaine qu’on dit, elle eût

  1. Discours à l’Assemblée nationale, 24 nov. 1876.