Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/523

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’accessoires, quoique graves : l’état intérieur de l’empire autrichien, la résistance d’Andrassy et des Hongrois, l’incapacité de Beust de prendre une résolution virile. La raison qui domine toutes les autres, c’est la volonté connue de la Russie de mettre ses armes au service de la Prusse si l’Autriche envoyait les siennes au secours de la France. La volonté énergique du Tsar a obligé l’Autriche à nous fausser compagnie et l’Italie à rester neutre ; elle nous a laissés sans alliés. Le roi Guillaume, au lendemain de sa victoire, donne à ce fait historique une certitude indiscutable. Il écrit au tsar Alexandre : « Jamais la Prusse n’oubliera que c’est à vous qu’elle doit que la guerre n’ait pas pris des proportions extrêmes. Que Dieu vous bénisse ! Votre ami reconnaissant pour la vie. — GUILLAUME. » Le Tsar répond : « Je suis heureux d’avoir pu vous montrer, par les témoignages de mes sympathies, que je suis un ami dévoué. Puisse l’amitié qui nous unit assurer le bonheur et la gloire des deux pays ! — ALEXANDRE. »

Beust et Andrassy se sont montrés jaloux de cette reconnaissance. Ils y avaient aussi droit, car la Russie n’a pas eu à les menacer pour qu’ils ne nous soutinssent pas : ils n’en ont jamais, disent-ils, eu l’intention. La Russie ne les a certainement pas menacés parce qu’ils ont été bien sages, mais elle n’a pas cessé de les surveiller, ce qui n’a pas été étranger à leur sagesse et chaque fois que nous les avons pressés d’agir, ils nous ont répondu en nous montrant l’épouvantail de la Russie. Le Tsar avait donc bien mérité les remercîmens du victorieux. Elle doit être retenue comme vraie l’opinion qui attribue à la Russie la plus grande part dans l’immobilité de l’Autriche et par conséquent de l’Italie. La Russie a beaucoup à réparer à notre égard.


Ne fabriquons pas une histoire fantaisiste. Le 6 août 1870 au matin, nous sommes seuls : la Russie veille à ce que personne ne vienne nous assister ; l’Italie s’est cachée dans la félonie de l’Autriche. Nous sommes seuls, mais nous sommes la France, c’est-à-dire la terre des improvisations miraculeuses. Qu’importent les délaissemens si nous savons vouloir d’une volonté indomptable. Avons-nous voulu ?


EMILE OLLIVIER.