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I

On sait quelle série d’événemens avait amené les élections du mois de janvier dernier. La Chambre des Lords avait contrairement, sinon à la Constitution, car il n’y a pas à proprement parler en Angleterre de constitution écrite, du moins aux précédens, rejeté le budget appelé un peu pompeusement le budget du peuple, parce que certaines dispositions excessives, qui n’étaient pas seulement des mesures fiscales, faisaient, suivant l’énergique expression de lord Rosebery, de ce budget une révolution. Le Cabinet libéral, dont M. Asquith est le premier ministre, avait demandé au Roi la dissolution. Mais sur cette question budgétaire étaient venues se greffer deux autres questions, l’une constitutionnelle, l’autre économique.

La Chambre des Lords, où domine une majorité conservatrice, n’avait-elle pas fait un usage abusif de son droit de Veto en rejetant non seulement le budget, mais plusieurs des Bills adoptés depuis quelques années par la majorité libérale de la Chambre des Communes ? C’était la question constitutionnelle soulevée par les Libéraux. N’y avait-il pas lieu, pour faire face au déficit du budget et pour remplacer les impôts écrasans sur la terre et les successions créés par le budget du peuple, de modifier la politique commerciale suivie depuis près de soixante-dix ans par la Grande-Bretagne, de renoncer au libre-échange et de demander à l’élévation des tarifs douaniers les ressources nécessaires ? C’était la question économique soulevée par les Unionistes, pour les appeler de ce nouveau nom qui a remplacé celui de Tories, de même que l’appellation de libéral ou de radical a remplacé celle de Whigs, et, soit dit en passant, rien ne témoigne mieux du profond changement qui s’est opéré en Angleterre depuis vingt ans que la désuétude où sont tombées ces deux dénominations historiques. La question du Veto des Lords et celle du Tariff reform ont joué un rôle presque égal aux élections du mois de janvier de l’année dernière. À ces questions était même venue s’en ajouter une troisième : celle de la défense nationale que les Unionistes accusaient les Libéraux d’avoir négligée. Quelques lecteurs de la Revue peuvent se souvenir qu’ayant assisté à la première période de cette lutte électorale ardente, j’en ai rendu compte, au jour le jour. Mais, ayant quitté