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que Gladstone l’avait concédé, concession qu’il paya de sa chute. Quant aux O’Brienites, beaucoup moins nombreux, car ils n’étaient que dix, ils marchaient, comme leur nom l’indique également, sous la direction de M. W. O’Brien qui est un adversaire déclaré de M. Redmond. Il lui reproche en effet, tout à la fois, d’être amené, par ses alliances électorales avec les libéraux et ses complaisances gouvernementales, à faire au ministère des concessions contraires aux véritables intérêts des Irlandais, et, en même temps, de sacrifier à la chimère d’un Home Rule, que l’Angleterre n’accordera jamais, les avantages sérieux qui, suivant lui, résultaient pour l’Irlande du Land Act de 1903, acte qui facilitait, par des avances en argent, le rachat par les tenants des terres appartenant aux landlords.

La majorité ministérielle était, on le voit, singulièrement composite et, par conséquent, instable. L’existence du Cabinet était à la merci des Irlandais qui, en portant leurs 82 voix du côté des Unionistes, pouvaient, d’un jour à l’autre, le jeter à bas et qui étaient, en tout cas, décidés à lui faire sentir la dépendance où il se trouvait vis-à-vis d’eux. M. Bardoux, dans l’article dont j’ai parlé, a dépeint à merveille cette première séance de la discussion de l’Adresse où, en réponse à un discours froidement accueilli de M. Asquith, M. Redmond a dicté ses conditions d’une façon hautaine. Ce jour-là, on put croire à la chute imminente du ministère. « Huit jours de négociations dans les antichambres ministérielles et dans les couloirs parlementaires, ajoute M. Bardoux, resserrèrent tant bien que mal les liens du bloc démocratique. » Le résultat de ces négociations fut le suivant : moyennant le vote par les Irlandais de certains, crédits nécessaires pour que provisoirement « le gouvernement de Sa Majesté pût marcher, » Her Majestys government could be carried on, M. Asquith s’engageait à entreprendre immédiatement une campagne contre la Chambre des Lords en vue de mettre un terme à son Veto, et de préparer ainsi l’octroi du Home Rule à l’Irlande, sauf à reprendre ensuite ce budget du peuple que les Libéraux reprochaient si fort aux Unionistes de n’avoir pas voté avant le commencement de l’année financière, c’est-à-dire avant le 1er avril, au risque de jeter une grave perturbation dans les finances publiques.

Ainsi fut dit, ainsi fut fait. Dans la séance du 29 mars, M. Asquith saisissait la Chambre des Communes de trois