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Free Trade, des bienfaits ou des méfaits de l’un ou de l’autre système. C’est la question constitutionnelle ou la question irlandaise que se sont efforcés de traduire aux yeux les auteurs de ces affiches, dessinées parfois avec un véritable talent. Les affiches unionistes montrent tantôt M. Redmond traînant derrière lui MM. Asquith, Lloyd George et Churchill enchaînés par le bout du nez, tantôt MM. Asquith, Lloyd George et Churchill à genoux devant M. Redmond et tendant la main pour recevoir des pièces de monnaie puisées à pleines mains par celui-ci dans un sac, sur lequel est écrit American dollars, tantôt M. Asquith tout seul, sous l’aspect d’un gros doguin, accroupi devant un phonographe, par lequel M. Redmond lui envoie des ordres, tantôt enfin, suprême appel au sentiment national, un Irlandais ivre, le drapeau vert d’Erin à la main, dansant et foulant aux pieds le drapeau anglais, l’Union Jack.

Les affiches libérales, au contraire, représentaient tantôt un vieux pair qui, sournoisement, met une grosse traverse sur la route d’une locomotive, symbolisant le progrès, pour la faire dérailler, tantôt un jeune pair, en culotte courte, la couronne sur la tête, le cigare à la bouche, un sourire narquois aux lèvres, qui dit à un homme du peuple en blouse : « Votez comme vous voudrez, mon garçon ; c’est toujours moi qui aurai le dernier mot. » Certaine affiche libérale a même eu recours à un argument plus brutal et un peu démagogique : « Voter pour les Pairs, disait cette affiche, c’est voter pour les propriétaires. »

Les deux associations, conservatrice et libérale, avaient encore à s’acquitter d’une tâche que les circonstances rendaient particulièrement difficile. Les lieux de vote n’étant pas toujours, comme en France, au siège de la commune, mais, au contraire, assez distans les uns des autres, c’est, toujours une entreprise assez laborieuse que d’amener les électeurs jusqu’à la boîte à scrutin (Polling box). Aussi, en temps d’élection, les journaux des deux partis sont-ils toujours remplis d’appels aux propriétaires de voitures, d’automobiles et de véhicules quelconques, les adjurant de mettre ces véhicules à la disposition des Comités, afin de faciliter le transport des électeurs le jour du vote. Aller chercher l’électeur à domicile, en voiture ou en automobile et le conduire jusqu’à la salle de vote est principalement l’affaire des femmes qui prennent une beaucoup plus grande part aux