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examiner deux ou trois hypothèses plus ou moins vraisemblables.

Envisageons d’abord, en souhaitant qu’elles soient écartées, deux solutions extrêmes. La première est celle-ci. Aussitôt le Parlement rassemblé, le gouvernement reprend la campagne contre la Chambre des Lords. Il présente de nouveau à la Chambre des Communes le Parliament Bill qui réduit, au point de l’annihiler, le droit de Véto des Lords et fait voter ce Bill sans modification. Les Lords, découragés et abattus par le vent de la défaite, acceptent le Bill qui prononce leur déchéance, comme, après les élections du mois de janvier, ils ont accepté le budget du peuple. Mais cette concession suprême ne les sauvera pas. Le Parliament Bill débute en effet par un préambule singulièrement menaçant. « Attendu, dit ce préambule, qu’il y a lieu de substituer à la Chambre des Lords, telle qu’elle existe actuellement, une seconde Chambre établie sur une base populaire au lieu d’une base héréditaire, etc. » Que veulent dire ces mots : base populaire. Le ministère entend-il par la que les Lords ne constitueraient même plus ce collège électoral spécial proposé par lord Rosebery dont la base est héréditaire et que de législateurs ils deviendraient tout simplement électeurs au même titre que les autres citoyens anglais ? Si c’est cela que le préambule veut dire, les Lords, en le votant sans modification ou au moins sans explication, se donneraient à eux-mêmes le coup de la mort. Ce serait un suicide.

Cette hypothèse est peu vraisemblable. Les Lords ont fait une trop fière résistance et d’ailleurs M. Balfour, qui a l’habitude de peser ses mots, a déclaré, dans un de ses derniers discours et alors que le résultat des élections était acquis déjà, que les Unionistes résisteraient « jusqu’à la mort. » Plaçons-nous donc dans l’hypothèse de cette résistance désespérée. La Chambre des Lords rejette purement et simplement le Parliament Bill qui lui est soumis pour la seconde fois. Que fera M. Asquith ? Il se tournera vers la Couronne. Mais que lui proposera-t-il ? Peut-il sérieusement, honorablement, demander au Roi de créer les cinq cents pairs nécessaires pour déplacer la majorité dans la Chambre des Lords ? Ce serait le cas de rééditer le mot si connu de M. de Villèle lorsqu’il pensait à faire entrer à la Chambre Haute de la Restauration une fournée de 76 pairs : « J’en ferai tant qu’il sera aussi honteux d’en être que de n’en pas être. » Si M. Asquith demande ces « garanties » au Roi, ce ne