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singulièrement allongé, qui relie les colonies à la mère patrie. Il y a là, pour l’Angleterre, une question de sécurité et une question d’intérêt. Elle espère qu’en cas de guerre ces colonies prendraient part à la défense nationale, comme elles ont pris part à la guerre du Transvaal ; elle espère aussi que, par des traités qui assureraient à la mère patrie et aux colonies des avantages réciproques, celles-ci contribueraient à sa prospérité commerciale. L’idée d’une Fédération Impériale, ce rêve de lord Rosebery et de Chamberlain, n’est pas systématiquement repoussée par les Libéraux. Mais combien cette fédération serait difficile à conclure si les colonies étaient invitées à nouer des rapports plus étroits avec une mère patrie divisée, déchirée par les factions, à la veille, peut-être, d’une guerre civile en Irlande, car les Orangistes, les habitans protestans de l’Ulster, vont jusqu’à déclarer qu’ils résisteront par la force au Home Rule intégral qui les mettrait dans la dépendance des Irlandais catholiques. On peut espérer que le patriotisme des deux partis tiendra compte de cette considération et fera des sacrifices au succès de la Conférence.

Une autre perspective, bien qu’elle soit encore à plusieurs mois de date, préoccupe déjà l’Angleterre : celle du couronnement. Il n’y a pas de journal anglais unioniste, libéral ou radical où l’on ne voie une longue rubrique intitulée Coronation, c’est tantôt un avis du duc de Norfolk, grand maître des cérémonies, qui règle à l’avance dans les moindres détails la tenue des Pairs et la toilette des Pairesses, tantôt l’énumération des cérémonies qui se succéderont, tantôt l’indication du parcours que suivra, à l’aller et au retour, le cortège royal. Pour que ces fêtes, qui donneront lieu à une explosion de loyalisme, brillent de tout leur éclat, il faut absolument que l’atmosphère politique de l’Angleterre soit au calme. Comment le serait-elle si, jusqu’à la veille, les partis demeurent aux prises, si l’avenir est gros de menaces et si le soleil qui doit, le 22 juin, éclairer Londres, risque d’être le lendemain obscurci par des nuages noirs. Bien peu de temps avant son couronnement, Edouard VII avait su imposer à ses ministres de traiter les Boers en gentlemen en leur proposant un traité de paix qui n’eût rien d’humiliant. Ce fut le premier acte du Peace Maker. Plaise à Dieu que, dans la politique intérieure de l’Angleterre, George V soit aussi un Peace Maker.