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maintenant cette facture tourmentée ; regardez l’Intérieur de cour rustique à Fontainebleau : jamais âme ne s’étala plus clairement sur une toile.


LA SALLE DU 1814

Meissonier aussi est un découvreur. Ce cheval de 1814 est le premier cheval au pas, — je veux dire marchant réellement au pas, — qui ait paru dans la peinture. Jusque-là, lorsqu’un artiste voulait mettre un cheval au pas, il lui faisait lever ensemble et à égale hauteur une jambe de devant et une jambe de derrière, en diagonale, c’est-à-dire qu’il le mettait au trot. De plus, il se gardait de le pencher en avant, en sorte que la bête semblait piétiner sans changer de place. Pour voir la différence, il n’est que de se mettre à la fenêtre et de regarder, sur le petit arc de triomphe du Carrousel, les chevaux de Bosio, rappelant ceux de Venise et de Berlin. On a voulu les mettre au pas et ils ont la cadence du trot. Tournez-vous maintenant vers ceux de Meissonier et vous sentirez la découverte. Le cheval de Napoléon est pris au moment où le pied gauche de devant, entièrement soulevé de terre, vient de couvrir, dans son mouvement, la longueur d’un demi-pas, tandis que la jambe droite de derrière, tendue à son maximum, ne touche plus que légèrement le sol. La bête prend surtout son appui sur la jambe droite de devant et sur la jambe gauche de derrière, ou, en termes techniques, est à « l’appui diagonal droit, » mais elle repose aussi, légèrement, sur le pied droit de derrière, — ce que les gens du métier appellent : « transition tripédale d’appui momentané à droite. » On pressent très bien, tant le mouvement est juste, ce qui va suivre. Le pied gauche va se poser à terre, achevant ainsi le parcours du pas commencé. Le pied droit de derrière aura quitté le sol, et toute la bête, étant appuyée à gauche seulement, à « l’appui latéral gauche, » la jambe droite, se soulevant, commencera le pas suivant.

Le cheval du maréchal Ney est pris dans la même phase du pas, mais un instant plus tard, et n’étant pas parti du même pied, au lieu d’être à l’appui diagonal droit, il est à l’appui diagonal gauche. On voit très bien que le pied droit de devant va toucher le sol, la pince du pied gauche de derrière va le quitter et, alors, le pied gauche de devant, en ce moment, posé