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craindrais que les lettres ne fussent prises en chemin et que l’on ne vît les dites nouvelles. » Une conjuration était ourdie dans Paris pour livrer la capitale à Charles VII, et c’est à cette bonne nouvelle que Jehanne faisait allusion, conjuration qui fut malheureusement découverte ; six conjurés furent exécutés par les Anglais le 8 avril 1430, parmi lesquels un procureur au Châtelet et un clerc de la Cour des Comptes. Les détails du complot nous sont fournis par la lettre de rémission accordée à l’un des conjurés.

Sur la suscription de la lettre de Jehanne aux habitans de Reims, on peut voir en travers l’indication : « Jehanne la Pucelle. » Quicherat y reconnut la main de Jean Rogier, prévôt à l’échevinage de Reims en 1625. La même inscription « Jehanne la Pucelle, » et de la main de Jean Rogier, se retrouve sur la lettre du 28 mars 1430, tandis que pour celle du 6 août 1429, non signée, aucune indication n’a été mise. On voit donc l’importance que, dès cette époque, on attachait à la signature et la différence que Rogier faisait entre les trois lettres.

Comme sur les autres suscriptions, le sceau est disposé en croix ; aucune empreinte ne se reconnaît sur la cire, et l’on peut se demander si cette forme de croix adoptée par la Pucelle ne constituait pas le seul emblème qu’elle acceptât. Il faut y voir l’expression des mêmes sentimens qui avaient empêché Jehanne, ainsi qu’elle nous le dit au Procès, de prendre les armoiries données à sa famille ; elle n’était rien par elle-même, elle était seulement l’envoyée de Dieu.

Au milieu du sceau se trouve une petite ligne brisée. Serait-ce l’endroit où était un cheveu de Jehanne, comme le veut une tradition ?… Tout ce que je puis affirmer, c’est que dès 1867, époque où je me suis livré à un examen très attentif de ces lettres (sauf la petite ligne brisée) le sceau était alors intact, et aucun cheveu ne s’y trouvait. Si nous remontons à des dates plus éloignées, mon père, né en 1804, m’a bien souvent dit n’en avoir jamais vu, et que cependant telle était la tradition[1].

5° Lettre de Jehanne : « A mes très chiers et bons amis les gens d’église, eschevins, bourgeois, habitans et maistres de la bonne ville de Reims[2], » écrite de Sully, le 28 mars 1430. Sur la suscription, la cire du cachet a presque entièrement disparu, et

  1. François Pérot, Jeanne d’Arc en Bourbonnais, p. 13.
  2. Archives du marquis de Maleissye.