Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/626

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faisait écrire des lettres, il lui arrivait aussi d’en écrire elle-même. Savoir écrire implique nécessairement de savoir lire ; mais pour écrire facilement, il faut un exercice constant que la vie active de Jehanne ne put évidemment lui permettre. — Il n’en est pas de même pour la lecture, et Jehanne devait s’y appliquer d’autant plus qu’elle tenait à vérifier ce qu’elle dictait. Les ratures et mots ajoutés qu’on remarque dans ses lettres le prouvent surabondamment.

En constatant dans les interrogatoires combien tout ce qui regarde les lettres de Jehanne fut l’objet de minutieuses recherches, et quelle place elles y occupèrent, ne devons-nous pas y attacher la même importance, et par les réponses de la Pucelle nous éclairer à leur sujet ?

Le 22 février, séance dans laquelle l’accusée donnait un bref sommaire de sa vie, Jehanne disait : « J’envoyai aux Anglais qui étaient devant Orléans une lettre dans laquelle je leur intimais de se retirer. C’est celle qui m’a été lue dans cette ville de Rouen, excepté deux ou trois mots qui ne sont pas dans l’original. Ainsi, on voit dans la copie : rendez à la Pucelle, on doit écrire : rendez au Roi. On y lit : corps pour corps, et chef de guerre ; ce qui ne se trouve pas dans les lettres expédiées. »

Nous avons déjà parlé de cette lettre dictée à Poitiers à Jean Erault. D’après les réponses de Jehanne, cette missive, qui blessait si profondément les Anglais, lui fut lue à Rouen au moins trois fois, et chaque fois elle protesta contre trois mois seulement, en avouant tout le reste. L’avoir écrite, c’était d’après d’Estivet présomption et témérité. Jehanne répondit : « Quant à la lettre, je ne l’ai point faite par orgueil ou présomption, mais par le commandement de Notre-Seigneur ; je confesse bien le contenu de cette lettre, excepté trois mots. Si les Anglais eussent cru ma lettre, ils n’eussent fait (été) que sages ; avant qu’il soit sept ans, ils s’apercevront de ce que je leur écrivais. Je m’en rapporte sur cela à la réponse déjà faite… Pour ce qui est d’être chef de guerre, j’en ai autrefois répondu ; et si j’étais chef de guerre, c’était pour battre les Anglais. »

On l’interroge sur tous les détails de ses lettres : « A quoi servait le signe que vous mettiez sur vos lettres et ces mots Jhesus-Maria ?… » lui demande-t-on le samedi 17 mars (deuxième séance dans l’après-midi). — Jehanne : « Les clercs qui écrivaient mes lettres l’y mettaient et quelques-uns me