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plus que cinquante ans. A l’époque du procès, c’était donc un homme de trente-trois ans environ. Choisi par Cauchon comme huissier ou appariteur, il ne pouvait que lui être entièrement dévoué. Il avait la charge d’amener Jehanne devant ses juges et de la reconduire dans son cachot.

D’après ses dépositions, Massieu cherche à faire croire qu’il aurait témoigné à Jehanne une certaine bienveillance, au point de se compromettre vis-à-vis de l’évêque de Beauvais. Il voudrait disposer par là ses auditeurs à ajouter foi à ce qu’il rapporte. Il n’était en réalité, au cimetière de Saint-Ouen, que le porte-paroles d’Erard et de Cauchon.

Voici d’ailleurs ce qu’il dit de son rôle : « A la première prédication, j’étais sur l’estrade avec Jehanne… Erard, à la fin du prêchement, lut une cédule contenant les articles de quoi il la causait d’abjurer et révoquer. A quoi ladite Jehanne lui répondit qu’elle n’entendait point ce que c’était qu’abjurer, et que sur ce elle demandait conseil. Et alors, fut dit par Erard ù celui qui parle qu’il la conseillât sur cela… Le prédicateur, maître Guillaume Erard, me demanda ce que je lui disais : « Je lui lis la formule, et lui dis de la signer, et elle me répond qu’elle ne sait pas signer. » Je me rappelle bien que dans cette cédule il était spécifié que désormais elle ne porterait ni armes, ni habit d’homme, ni cheveux taillés, et beaucoup d’autres choses que j’ai oubliées. Je sais bien que cette cédule contenait huit lignes environ, et pas davantage. Je sais à n’en pas douter que ce n’est pas celle qui est mentionnée au Procès. Différente de celle qui est au Procès est celle que j’ai lue et que Jehanne a signée. Pendant que l’on requérait Jehanne de signer la dite cédule, un grand murmure se produisit dans l’Assemblée. J’entendis l’évêque dire à quelqu’un : « Vous me ferez réparation. » Il disait qu’on lui avait fait injure, et qu’il ne procéderait plus outre avant cette réparation. Pendant ce temps, j’avisais Jehanne chi péril qui la menaçait à propos de la signature de ladite cédule ; je voyais bien qu’elle ne comprenait ni la cédule, ni le péril. Jehanne, alors pressée de signer, répondit : « Que la cédule soit examinée par les clercs et l’Eglise entre les mains desquels je dois être remise, et s’ils me disent qu’il est de mon devoir de la signer et de faire ce que l’on me dit, je le ferai volontiers. » Maître Guillaume Erard lui dit alors : « Signe maintenant, sans quoi aujourd’hui même tu finiras tes jours par