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le feu. » Jehanne répondit qu’elle aimait mieux signer que d’être-brûlée.

« Il y eut en ce moment un grand tumulte dans la multitude, beaucoup de pierres furent jetées, je ne sais par qui.

« La cédule signée, Jehanne demanda au promoteur si elle ne serait pas mise dans les mains de l’Eglise, et dans quel lieu elle devait être ramenée. Le promoteur répondit : « Dans le château de Rouen. » Elle y fut conduite et vêtue d’habits de femme. »

La mentalité qui nous a été révélée chez Massieu permet-elle d’accepter sans contrôle ni vérification tout ce qu’il avarice ? Non certes. Voyons donc les dépositions de ceux qui étaient comme lui près de la Pucelle au moment de la prétendue abjuration.

Manchon, premier greffier, nous dit que, le 24 mai, Loyseleur avait été donné comme conseil à Jehanne. Après le sermon d’Erard, Loyseleur vint sur l’estrade, et Manchon nous cite ses avis cauteleux.

Nicolas Taquel, troisième greffier, mais qui n’était pas sur l’estrade, déclare que Massieu lut à Jehanne la formule. A cela se réduirait peut-être son intervention.

L’émotion, la crainte, s’emparèrent-elles de Jehanne à la vue du bourreau et de son char ? Massieu lui-même constate le contraire. Le calme de la martyre l’étonné à tel point qu’il en déduit qu’elle ne comprenait pas le danger. Lorsqu’il met dans sa bouche : « Je ne sais pas signer » et : « J’aime mieux signer que d’être brûlée, » il est évident qu’il lui prête des paroles qu’elle n’a pas prononcées. Il ment dans le premier cas, puisque nous avons des lettres de Jeanne revêtues de sa signature ; il ment encore dans le second, puisqu’il fait dire à Jehanne. « Mieux vaut signer, » et qu’elle ne signe pas.

Un troisième témoin, très autorisé, donne d’ailleurs un démenti absolu aux assertions d’Aymond de Macy et de Massieu sur le point qui nous occupe, Guillaume de la Chambre nous dit en termes formels que Jehanne lut elle-même la formule.

Voici d’ailleurs sa déposition : « Vénérable personne, maître Guillaume de la Chambre, maître es arts, maître en médecine, a été produit et accepté comme témoin, etc. » Il nous raconte comment il connut Jehanne : « Le cardinal d’Angleterre et le comte de Warwick m’envoyèrent chercher ; je comparus en