Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

échéant, on ne doive méconnaître. La considération de la qualité de l’adversaire suffit à changer les exigences de conduite : on ne combat pas un Soubise ou un Benedek comme on combattrait un Frédéric ou un Napoléon. Un seul précepte n’est susceptible ni de limite, ni d’exception, et reste de mise contre n’importe quel adversaire, c’est qu’en n’osant pas, eût-on une armée supérieure, on est sûr de l’échec, et qu’en osant beaucoup, même avec des troupes médiocres, on n’est pas sans espoir de succès.

En aucune circonstance, la célérité et l’initiative de l’attaque ne s’étaient imposées à un chef d’armée avec une plus instante évidence qu’en juillet 1870. Quel était alors, en effet, l’état de notre armée ? Nous étions prêts, c’est-à-dire nous avions dans les magasins, dans les arsenaux, dans les casernes, dans les foyers, en matériel et en hommes, toutes les ressources administratives et financières mises par les pouvoirs publics à la disposition de l’Empereur et de son ministre de la Guerre, pour recruter, instruire une armée et la porter sur les champs de bataille. Malgré la lenteur et le désordre inhérens à notre système de passage du pied de paix au pied de guerre, les ressources préparées avaient été mobilisées en grande partie, sinon en totalité, et étaient parvenues aux mains des troupes. Ces ressources mobilisées n’avaient pu nous fournir, il est vrai, qu’une armée inférieure en nombre ; mais cette infériorité du nombre était largement compensée par la qualité. Un des plus braves de ceux qui ont été à la peine pendant le siège de Metz, le général Deligny, a porté sur notre armée du Rhin un jugement dont la compétence ne peut être contestée : « Par la vigoureuse constitution des cadres, la vaillance des soldats, l’esprit militaire et de discipline dont tous étaient pénétrés, elle offrait tout ce que la France était capable de fournir de mieux en fait de troupes. Cette belle armée ne demandait qu’à être commandée, conduite et dirigée ; elle possédait à un très haut degré le sentiment de sa valeur ; son énergie et son dévouement pouvaient défier les plus dures épreuves ; malgré son infériorité numérique, elle était capable de remporter d’éclatans succès[1]. »

Les premières mesures prises par l’Empereur indiquaient la volonté de l’offensive immédiate. Les approvisionnemens, au

  1. Général Deligny, Armée de Metz, p. 10 et 12.