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Résumons maintenant les événemens tels qu’ils se sont déroulés.

Guillaume Erard, docteur en théologie, chanoine des églises de Langues et de Laon, chargé de faire l’admonestation publique, avait pris pour texte de son discours cette parole de l’Evangile : « La branche ne peut pas porter de fruit par elle-même, il faut qu’elle reste attachée au cep de la vigne. » A entendre Erard, Jehanne n’appartenait plus à la foi catholique : aussi se laisse-t-il entraîner aux plus violens emportemens, l’appelant sorcière, hérétique, schismatique. Il va jusqu’à s’écrier : « Charles, qui se dit ton Roi et ton gouverneur, a adhéré comme hérétique et schismatique, — car il est tel, — aux paroles et actes d’une femme inutile, diffamée, pleine de tout déshonneur ; et non pas lui seulement, mais encore tout le clergé de son obéissance et seigneurie. »

À ces mots, Jehanne l’interrompt : « Parlez de moi et non du Roi. »

Plus ardent encore, Erard insiste : « Oui, je te le dis à toi, Jehanne, et le répète, ton roi, puisqu’il t’a écoutée, est schismatique et hérétique. » — « Par ma foi, réplique la Pucelle, révérence gardée, j’ose bien vous dire et jurer, sous peine de ma vie, que mon Roi est le plus noble chrétien de tous les chrétiens, et qui mieux aime la foi et l’Église. »

Cette apostrophe si calme et si énergique arrête Erard ; aussi l’évêque de Beauvais intervient-il en s’écriant : « Faites-la taire ! »

Erard reprend alors son sermon et sous des apparences plus modérées veut l’amener à se soumettre : « Voici Messeigneurs les Juges qui plusieurs fois vous ont sommée et requise de vouloir soumettre tous vos faits et dits à notre Mère Sainte l’Eglise, et que, en ces dits et faits, étaient plusieurs choses, lesquelles n’étaient pas bonnes à dire, ni à soutenir. » — « Je vous répondrai, » repartit Jehanne : « Pour ce qui est de la soumission à l’Eglise, je leur ai dit, sur ce point, que toutes les œuvres que j’ai faites, que tous mes dits soient envoyés à Rome devers notre Saint-Père le Pape, auquel et à Dieu premier, je me rapporte. Mes dits, les faits que j’ai faits, je les ai faits de par Dieu. De mes dits, de mes faits, je ne charge personne au monde, ni mon Roi, ni tout autre ; s’il y a quelque faute, c’est à moi et non à un autre qu’il faut l’attribuer. — Dans vos faits