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l’assistance d’un geste affectueux ; le train disparut, et Napoléon III sembla s’évader de sa capitale comme il l’eût fait au lendemain d’une catastrophe. Je revins à pied tout pensif, le long de ces allées témoins de tant de splendeurs et de tant de gloires, que Napoléon avait foulées après Iéna, et que son neveu venait de traverser pour la dernière fois, avant que les Prussiens y établissent leurs bivouacs !

La tristesse officielle contrastait avec le sentiment qui se manifestait au dehors et que le prince Napoléon, quoiqu’il ne le partageât pas, constate dans son carnet : « 28 juillet. Départ. Enthousiasme. » A la Villette, l’Empereur se retrouva en contact avec le grand public : là, plus de mélancolie, une exaltation confiante et pleine d’entrain. La foule occupait depuis le matin le pont qui se trouve sur la voie ; une nuée d’ouvriers remplissait les abords. A l’entrée en gare éclatèrent d’unanimes acclamations et les cris de : « Vive l’Empereur ! Vive le prince impérial ! Vive la France ! » retentirent tout le temps de l’arrêt et se prolongèrent jusqu’à ce que le train fût reparti. Le voyage ne fut qu’une longue ovation. La province faisait la manifestation patriotique qui eût éclaté à Paris, si on l’avait traversé. Mais le pauvre souverain n’était plus sensible à ces élans populaires qui autrefois gonflaient et animaient son cœur. Il n’y voyait qu’une occasion de fatigue. « L’enthousiasme, écrivit-il à Gramont, est une belle chose, mais parfois bien ridicule. »

A Metz, aucune réception solennelle (6 h. 40 soir), aucun déploiement de troupes ; les généraux en tenue de campagne. L’Empereur se rendit à l’hôtel de la Préfecture où il établissait son quartier général et se laissa choir sur un siège plutôt qu’il ne s’y assit. Une conférence s’ouvrit immédiatement avec Le Bœuf et Bazaine. Le Bœuf ne doutait pas que l’arrivée de l’Empereur à Metz ne fût le signal de l’action. Le 26 juillet, il avait télégraphié à Bazaine : « L’Empereur arrivera jeudi à sept heures du soir ; je vous prie de vous trouver ici pour recevoir Sa Majesté. Notre immobilité donne confiance à l’ennemi. Il est temps de prendre l’offensive ; tenez-vous donc prêt pour jeudi ou dimanche 31 juillet. (20 juillet, huit heures du soir.) Son premier mot à l’Empereur fut celui qui avait été son dernier à Gramont : « Eh bien ! sire, où en est-on avec l’Autriche ? — On négocie, répondit l’Empereur. — On négocie ! riposta le maréchal, mais dans deux ou trois jours, il faut que