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Plus tard, quand, exilé loin de vous, chère aimée[1]

ou encore, dans les Aveux, la si jolie Romance :

Voici juste un an, jour pour jour[2]

ou celle-ci encore :

La Mort viendra, compagne douce et tendre[3]


Ces vers ne sont pas seulement d’un poète : ils sont d’un artiste qui a étudié, de près, en amoureux des vers, mais aussi en technicien, les poètes anciens et modernes, et qui s’est efforcé de leur ravir et de s’assimiler leurs secrets, ou leurs procédés : témoin, par exemple, cette strophe d’une pièce de la Vie inquiète, A Maurice Bouchor, qu’on pourrait croire échappée d’un recueil de Ronsard :

Là, ton rêve s’en allait
Au volet
Doucement battre de l’aile,
Et longuement tu sonnais
Des sonnets
Doux-sonnans et faits pour elle[4]


Et la suite, qui n’est ni moins jolie, ni moins significative.

Je veux lire aujourd’hui les sonnets de Ronsard,


dit ailleurs le poète[5], imitant un sonnet célèbre. Mais les vieux auteurs français ne sont pas les seuls dont il se soit inspiré. Une étude détaillée sur M. Bourget poète devrait tenir grand compte des sources étrangères, et surtout anglaises, auxquelles il a puisé. Les lakistes, Keats, Swinburne, surtout peut-être Shelley, ont été souvent ses modèles, et il a fait passer quelque chose d’eux dans ses vers. Et enfin, il s’est nourri de tous les poètes français contemporains dont la sensibilité maladive ou souffrante, la tristesse pensive lui rendaient comme un écho agrandi de sa propre nature : Musset, Vigny et Leconte de Lisle, parmi les grands ; Sainte-Beuve, Baudelaire, Coppée, Sully Prudhomme, parmi les autres, — Sully surtout,

  1. Poésies (1876-1882), éd. actuelle Lemerre, p. 49-53.
  2. Id., p. 169-170.
  3. Id., Romance, p. 287-288.
  4. Poésies (1872-1876), éd. actuelle, p. 141.
  5. Poésies (1876-1882). En lisant Ronsard, éd. actuelle, p. 204.