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déjà singulièrement indépendant et original. Il n’a voulu faire, comme le maître, que de la critique psychologique ; et il en a fait. Mais il a fait autre chose aussi. Il a en réalité inventé un nouveau genre de critique : une critique que j’oserai appeler, quitte à m’expliquer bien vite, la critique confessionnelle. Non pas, et on l’entend bien, que je veuille assimiler M. Bourget à ces critiques, comme il s’en trouve, qui mesurent l’estime qu’ils se croient tenus de professer pour tel ou tel écrivain au degré d’adhésion de cet écrivain à leur propre credo, à leur façon toute personnelle de concevoir l’orthodoxie. Je veux dire que la critique, telle que M. Bourget la pratique dans les Essais, lui est une occasion et un moyen de se confesser en public et de confesser les autres, de faire en quelque sorte un triple examen de conscience… Si Renan, par exemple, fait telle impression sur M. Bourget, c’est d’abord que l’âme de Renan, telle qu’elle transparaît à travers ses livres, est de telle ou telle qualité, de telle ou telle nature. Et le voilà confessant Renan en quelque manière, essayant de lire en lui, de deviner les plus intimes secrets de sa vie morale. De même les écrits de Renan ne feraient pas telle ou telle impression sur M. Bourget, si sa sensibilité et son intelligence de lecteur, à lui, M. Bourget, n’étaient pas construites de telle ou telle sorte ; et le voilà se confessant à nous à son tour, et nous laissant voir de lui-même, de ses goûts profonds, de ses dispositions d’esprit ou d’âme, presque tout ce que notre curiosité peut légitimement souhaiter d’en connaître. Et enfin Renan et M. Bourget ne sont pas seuls au monde : ils appartiennent tous deux à deux générations successives, dont ils sont, plus ou moins, l’écho amplifié, mais fidèle. Leur confession à tous deux a un côté impersonnel et collectif qu’on ne saurait négliger. Et voilà l’auteur des Essais confessant, si je puis dire, à travers Renan et à travers lui-même, les contemporains de Renan et ses contemporains à lui, et, grâce à tous ces aveux recueillis, combinés et interprétés, arrivant peu à peu à « tracer le tableau de l’âme française dans cette fin de siècle qui prend parfois une noire couleur de fin de monde, et parfois une rose couleur d’aube nouvelle. » Les Essais de psychologie contemporaine sont la confession d’un enfant du siècle.

Confession très sincère, extraordinairement lucide et pourtant toute frémissante encore d’émotion personnelle. M. Bourget