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VIII

« Cet engagement de Sarrebrück de dimensions fort restreintes, dit le major Scheibert, n’eut qu’un résultat : ce fut de contribuer grandement à donner aux Allemands confiance en eux-mêmes. » Poussé à bout, il eût pu nous assurer dès le premier jour un succès décisif. Si, Sarrebrück occupé, nous eussions lancé, en quelque état de formation qu’ils fussent, nos corps d’armée de Lorraine vers les issues des défilés de la zone boisée, Steinmetz, ardent, téméraire, malgré ses vieilles années, ne voulant pas que son armée attendît au port d’armes le débouché du prince Frédéric-Charles, se serait jeté sur nous. Une « bataille sérieuse se serait engagée entre les VIIe et VIIIe corps prussiens et trois ou quatre corps d’armée français, et l’armée prussienne aurait été battue. La Ve armée eût éprouvé une défaite ; les avant-gardes de la IIe auraient été hors d’état de la soutenir. » Notre offensive aurait eu de plus, pour conséquence, outre l’échec infligé à la Ire armée, le mouvement en arrière de la IIe, peut-être son recul au-delà du Rhin, et le sort de la campagne eût été complètement changé[1]. »

Moltke, qui avait formellement enjoint à Steinmetz de rester sur une défensive passive, a écrit en marge de la lettre où son lieutenant lui expliquait rétroactivement son projet avorté : « Ce qui eût exposé la Ire armée à une défaite[2]. » C’est ce que les critiques allemands autorisés ont reconnu aussi. « Frossard, disent-ils, aurait rencontré le 3 août la division avancée de Gœben près d’Heusweiler ; les chances étaient évidemment pour les Français et le VIIIe corps devait être rejeté vers l’Est. Le VIIe corps ne pouvait porter aucun secours au VIIIe, car le 3 août il marchait en deux colonnes tranquillement sur Merzig et Lesheim où se rendait l’état-major du commandant de l’armée. Là encore les Français auraient eu une forte supériorité numérique ; il était parfaitement possible que le VIIe corps fût rejeté vers le Nord-Ouest[3]. » Alors

  1. Histoire de la guerre de 1870-71 par la section historique de l’État-major de l’armée française.
  2. Revue d’Histoire. État-major français.
  3. Voyez le commandant Defrasse, Vierteljahrshefte de décembre 1909. — Lieutenant-colonel von Moser, même Revue, avril 1909.