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Robert, les comédiens du Théâtre-Français sont en prison pêle-mêle avec Therezia Cabarrus, Aimée de Coigny, Joséphine de Beauharnais, des représentans des trois Assemblées révolutionnaires et tout le d’Hozier français. Et tout ce monde a plus ou moins contribué à « dépraver les mœurs, » tout en menaçant la liberté.

En province, sous les commissaires robespierristes comme naguère sous les représentans hébertistes, les massacres continuent et les arrestations. Au 9 thermidor, il y aura 1 000 personnes dans les prisons d’Arras, 3 000 dans celles de Strasbourg, 1 500 dans celles de Toulouse, — à Paris environ 7 000, — victimes vouées à la mort pour que triomphe la vertu.


Il faut cependant « une sanction » à cette vertu, — c’est la théorie de Couthon. Il faut un ciel : il faut un Dieu. Tallien ricanera, le 11 thermidor, que « ce petit Robespierre » eût « déplacé l’Eternel pour se mettre à sa place. » En attendant, il achève de le restaurer.

Le 17 germinal, Couthon vient annoncer à la Convention que le Comité prépare une fête de l’Être Suprême. Commentant son propre discours, il écrit, le 21 : « C’est un besoin pour les âmes pures de reconnaître et d’adorer une intelligence supérieure. » Évidemment, qui n’éprouve pas ce besoin est « impur. » Du reste, on doit à Dieu ces hommages : n’est-ce pas « grâce à la Providence qui veille sans cesse sur nos destinées » que « ces monstres, » Hébert, Danton, ont été abattus ? Oui, le Très-Haut veille sur Robespierre : Dieu est robespierriste, — tout comme Fleuriot-Lescot, Fouquier-Tinville et le général Henriot. « Dieu nous bénit, » écrit Couthon le 12 floréal.

Le 18 floréal, le grand prêtre lui-même lance une encyclique : il vient lire son fameux discours sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains où tient toute la pensée du règne : il faut replonger « le vice dans le néant » et comme il est impossible à Maximilien d’oublier ses ennemis, même lorsqu’il les a fait guillotiner, il entend vouer à l’exécration ces athées : Vergniaud, Hébert, Danton, étrange triumvirat auquel il oppose (facilement, puisqu’ils ne sont plus là pour répondre) ce déisme qui fut la religion de Socrate et celle de Léonidas, — imprévu rapprochement.