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Les choses sont inquiètes ;
Les bergers, noirs et douteux,
Reviennent, poussant leurs bêtes
Et leur ombre devant eux.

Je vois passer, pâle et mièvre
Sous son vêtement grossier,
Un pauvre homme à qui la fièvre
A fait des yeux de sorcier.

Là-bas le soleil sauvage
Qui sur les horizons sourds
Se mutile et se ravage,
Semble appeler au secours ;

Mais cependant qu’emphatique,
Il s’exaspère, il rougit,
Là-haut, mince, despotique,
La jeune lune surgit ;

Et tandis que, reine grêle,
Elle monte au ciel bleui,
Tout se retourne vers elle,
Et le couchant est trahi.

Lui-même il rompt sa couronne
Et, ruisselant de rubis,
Comme un roi qu’on abandonne
Il déchire ses habits ;

Mais, s’emparant du mystère
Où le soir passe en fraudeur,
La lune inonde la terre
De sa splendide froideur.




LA VILLA ROMAINE


En ces jardins muets on sent qu’il faut se taire,
L’air dort ; les piédestaux portent des noms divins.
Les cyprès sont debout et leur muraille austère
Dessine dans le ciel de grands domaines vains.