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Et, son roseau solide et léger dans la main,
Au flanc du mont abrupt il chercha son chemin.


IV


Reins pliés, s’accrochant, de l’orteil, à la roche,
S’agriffant d’une main au relief le plus proche,
Tâtant, de l’autre, avec son roseau résistant,
Les degrés rocailleux écroulés par instant,
Déchiré par l’épine et fouetté par la branche,
Il monte, — et pour garder l’équilibre, se penche,
Et sur son dos, baigné de sang et de sueur,
Où le reflet lunaire allume une lueur,
Il porte, faix plus lourd que la lourde matière,
Les grands destins qui sont ceux de sa race entière.

Il va ; l’air refroidi lui glace les poumons ;
Il est dans les brouillards dont s’entourent les monts,
Mais, ayant vu d’en bas que les astres sublimes
Se mouvaient, et parfois se posaient sur les cimes,
Il veut les joindre, avec l’espoir de les toucher !
Et, qu’il aille montant de rocher en rocher
Ou qu’il monte rampant de ravine en ravine,
Il ne voit plus qu’en lui la lumière divine ;
Et son léger roseau, fortifié de nœuds,
Ecarte de sa chair les buissons épineux,
Et le guide, et, parmi la croulante rocaille,
Le bout qui touche au sol faiblit seul et s’écaille…
L’étincelle, demain, atome essentiel,
Y fera vivre entier, captif, le feu du ciel.


V


L’homme, soudain, émerge au-dessus de la brume.
Il semble, autour de lui, que l’infini s’allume ;
C’est le séjour de ceux qui mangent à leur faim,
C’est la calme clarté d’un jour tiède et sans fin.