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REVUE DRAMATIQUE


COMEDIE-FRANÇAISE. — Le Goût du vice, comédie en quatre actes, par M. Henri Lavedan. — Société des Conférences. Dix Conférences de M. Maurice Donnay sur Molière.


Notre époque est-elle effroyablement corrompue ? Nous le répétons vingt fois par jour, et nous en sommes très convaincus ; mais nous n’en sommes pas bien sûrs. On jugeait sévèrement, il y a trente ans, la « corruption impériale ; » on parle aujourd’hui couramment de la société du Second Empire, comme d’un âge d’or où fleurirent toutes les innocences. Il se peut qu’un jour nous paraissions, à ceux qui nous jugeront d’un peu loin et par comparaison, meilleurs que nous ne nous croyons. Ne serait-il pas étonnant au surplus qu’une époque si médiocre en toutes choses ne le fût pas même dans le mal ? Toutefois, et quel que soit le fond de nos cœurs, ce qui est certain c’est que les apparences sont contre nous. Notre littérature, nos conversations, nos modes, nos usages, autant de « signes extérieurs » qui nous condamnent. Non seulement il circule, et non plus sous le manteau, des livres découpés en pleine pourriture et dont la scandaleuse malpropreté fait tout le succès, mais nos romans les plus honnêtes contiennent des passages dont les mères d’autrefois n’auraient pas permis la lecture à leurs filles, et dont les jeunes filles d’aujourd’hui sont un peu gênées pour leurs mères. Il en est de même des pièces de théâtre où les spectacles dits de famille mettent souvent sous les yeux des familles d’étranges tableaux. Nul ne proteste, car on ne tient pas à se faire moquer de soi. Les propos jadis réservés pour le fumoir sont, — paraît-il, — admis maintenant au salon. La bonne compagnie s’est si intimement mêlée avec l’autre que, ne sachant