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représentation nationale le gouvernement leur transmet dans le seul souci de l’intérêt général et de la paix publique ; C’est aussi, sans doute, dans le seul souci de l’intérêt général et de la paix publique que le gouvernement vient de réintégrer dans ses fonctions l’instituteur Nègre, révoqué il y a trois ans pour avoir adressé une lettre injurieuse à M. Clemenceau, alors président du Conseil. Il a voulu sans doute donner un nouvel exemple de « bonté » aux Compagnies de chemins de fer. Nous ne préjugerons pas ; leur réponse. Contentons-nous de dire que quelques semaines de décomposition politique et sociale comme celles que nous venons de traverser, avec la mauvaise odeur de scandales qui s’élève autour de nous, ne sont faites pour rehausser ni notre état politique, ni notre état social.


La situation du Maroc a beaucoup préoccupé l’opinion depuis quelques jours : il semble, aujourd’hui que la gravité en avait été exagérée. Des renforts relativement considérables ont été envoyés dans la Chaouïa, où, à la demande du Sultan et par les soins du général Moinier, une méhalla est levée, organisée, encadrée pour aller au secours de Fez investi par des forces rebelles. La situation de cette ville était présentée comme très compromise, presque désespérée, et on se demandait ce que deviendraient, si elle était prise, la colonie européenne et les instructeurs militaires que nous avons mis à la disposition du Sultan. L’anxiété qui résultat de cette incertitude était bien naturelle : elle a été d’ailleurs entretenue et excitée quotidiennement par les partisans d’une politique d’intervention militaire au Maroc, qui ne perdent aucune occasion de pousser le gouvernement dans le sens de leurs vues et qui, à tort ou à raison, comptaient sur son impressionnabilité. Quoi qu’il en soit, les forces envoyées dans la Chaouïa s’élèvent aujourd’hui à plus de 20 000 hommes et celles qui ont été concentrées sur la frontière oranaise au nombre de 10 000 : ces dernières ont, dit-on, pour objet de « décongestionner » Fez en attirant ou en retenant de leur côté les forces rebelles qui, sans cela, se porteraient sur la capitale. Les choses en sont là : il est difficile de prévoir comment elles évolueront. Une politique ferme échappe à l’influence des incidens et des impressions de chaque jour ; une politique faible s’y subordonne et en devient le jouet. Nous ne savons pas encore quelle sera la nôtre.

Une faute a été commise : dès qu’on a vu que la situation se gâtait et devenait dangereuse, il aurait fallu ne pas attendre l’investissement de Fez pour en faire sortir la colonie étrangère et la conduire à Tanger