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au Sud. Cette délimitation répond au texte de Flodoard, tient compte du diplôme de Charles le Simple, et s’accorde avec les annexions ultérieures sur lesquelles ne plane aucun doute.

A quel titre fut faite cette cession de territoire ? Dudon ne serait pas fâché de donner à croire qu’elle fut faite en toute souveraineté, sans autre condition que le baptême. On connaît l’anecdote où il nous montre Rollon refusant de baiser le pied du roi, et confiant ce soin à un de ses hommes. Celui-ci, au lieu de se baisser, aurait levé le pied du roi jusqu’à sa bouche, de manière à renverser Charles le Simple sur le dos, aux éclats de rire de l’assistance. C’est là une des inventions destinées à flatter l’amour-propre et les prétentions des ducs dont l’histoire de Dudon est prodigue. Il en va de même pour l’expression « alleu » dont il se sert pour indiquer la nature de la propriété reconnue à Rollon. Tout cela est en contradiction avec ce simple fait que Guillaume Longue-Épée et ses successeurs prêtèrent au roi de France hommage de vassaux en montant sur le trône ducal. Il est probable que ces points délicats ne furent pas précisés au début, chacun se promettant d’interpréter à sa manière et de tourner à son profit des stipulations laissées volontairement dans le vague. Du reste, le régime féodal n’était pas encore complètement constitué. Quant à Charles le Simple, dans le diplôme déjà cité, il indique que les Normands assument une obligation comme contre-partie de la cession qui leur a été consentie, l’obligation de contribuer à la défense du royaume. Cette cession leur a été faite, dit-il, « à charge de défendre le royaume, pro tutela regni. » C’est le cas des barbares que les Romains fixaient sur la frontière. Et en fait les Normands ont parfaitement barré la route à tous nouveaux envahisseurs.

Une autre question a beaucoup préoccupé jadis les historiens : c’est ce qu’on appelait l’inféodation de la Bretagne. Les Normands s’engageaient à cesser leurs pillages, mais Rollon lit remarquer que le pays qu’on leur allouait était absolument dévasté, et Charles le Simple lui proposa, d’après Dudon, de lui abandonner la Flandre à discrétion jusqu’à ce que la Normandie fût repeuplée et mise en état de se suffire, donec impleatur terra. Rollon aurait refusé, alléguant que ce pays était trop marécageux, et aurait obtenu à la place la Bretagne, qui