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Si les archéologues de l'avenir lointain pensent à nous et cherchent notre âme, ils la trouveront dans les débris d'une petite église où soient venues longtemps prier les générations malheureuses, plutôt que ne la leur indiqueraient les lignes d'un palais magnifique.

Et j'ai passé des heures délicieuses, des heures décevantes aussi, à regarder le Parthénon pareil, le matin, à une rose que l'aurore éveille, et pareil, le soir, à un lotus que les feux du couchant colorent. Il m'enchantait par sa beauté splendide et gracieuse ; il ne m'enseignait pas le rêve ancien de l'Hellade. Je lui avais demandé une âme ; et je m'en allais avec un peu de poussière de marbre dans les mains.

Certes, je ne manquais pas de complaisance. Et même, à l'éloquence des sites et des monumens, je voulais bien ajouter le persuasif prestige des souvenirs, le témoignage des poèmes et l'histoire. En dépit de tout, je ne saisissais, en tous lieux, que les flocons épars d'une quenouille perdue.

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C'est ainsi que je suis parti pour Égine, un matin.

Telle était la tranquillité du temps que la mer, tout unie, semblait un grand tapis d'azur inégal ; on y voyait de larges dessins d'un gris perle et qui parfois se frangeaient d'argent mat. Notre caïque allait doucement et, pour profiter des aubaines de la brise, faisait maints détours. Dès le Pirée, nous aperçûmes l'île, bleutée dans la lumière ; et une longue bande de clarté, qui sur l'eau passait devant elle, la détachait de la mer, la haussait et la présentait comme un joli joyau aérien.

Quelques minutes, nous avons distingué, sur la côte que longe Salamine, les deux collines de la rieuse Mégare, l'une auprès de l'autre et coiffées de maisons blanches, peintes à la chaux.

La matinée fut ravissante. Le soleil prit de la force. La mer bleuissait. Et l'île se posa sur la mer. Nous la vîmes plus consistante et chargée bientôt de verdure. Les montagnes se dessinèrent plus nettement ; leurs zones, mieux séparées, eurent des tons qui marquèrent la perspective et les reliefs. Les caps se découpèrent ; les baies s'ouvrirent. Mais la ligne des bords, précise et compliquée, se modifiait perpétuellement, selon le biais et l'approche du caïque.