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revinrent à ce péplos. Le costume d’Ionie avait duré, dans l’Attique, à peu près autant que les Corés.

Et l’on dit que, durant cette période, les Athéniens avaient subi l’enchantement de l’Ionie et de ses mœurs et de ses modes. Ensuite, l’invasion des barbares venus d’Asie les aurait dégoûtés de l’Orient : ils auraient soudain repris l’ancien usage grec et le costume traditionnel des Doriens.

Mais Hérodote en raconte bien d’autres !

Vers le milieu du vie siècle, les Épidauriens, afin d’obéir à un oracle pythique, achetèrent aux Athéniens du bois d’olivier pour y sculpter les statues de Déméter et de Perséphone : en échange, ils décerneraient tous les ans des victimes à Érechthée et Athèna Polias. Or, les Éginètes volèrent aux Épidauriens les deux statues et les emportèrent chez eux ; ils les placèrent au centre de leur île. Les Épidauriens cessèrent alors d’envoyer aux divinités athéniennes leurs offrandes. Les Athéniens réclamèrent, et les Épidauriens leur répondirent de s’adresser aux Éginètes. Ceux-ci refusèrent de rien entendre ; les Athéniens lancèrent contre eux une trirème de citoyens énergiques. Ces militaires avaient pour consigne d’amener en Attique les deux déesses. Ils ne purent les prendre. Ils attachèrent des cordes aux statues et tirèrent dessus vaillamment ; les statues résistèrent, le tonnerre gronda, la terre trembla, les militaires devinrent fous, s’entre-tuèrent : et il n’en resta qu’un. Il y a, dans ce récit, beaucoup de fantaisie ; Hérodote l’avoue. Mais il assure que le dernier survivant se tira d’affaire et, un beau jour, reparut en son pays. Alors, on l’entoura. Il raconta que les autres étaient morts. Les femmes lui réclamèrent leurs époux, le malmenèrent, invectivèrent contre lui et, avec les épingles qui sur leurs épaules retenaient leur péplos, elles le tuèrent.

Pour les punir, dit Hérodote, on leur changea leur costume. On leur interdit les épingles et on leur assigna le chitôn d’Ionie, cousu et qui, pour tenir, n’a pas besoin d’un accessoire dangereux. Peut-être l’idée de quelque sacrilège à expier se mêla-t-elle à tant de précaution, car les deux déesses étaient dans l’affaire ; peut-être aussi dut-on céder à quelque exigence des Éginètes. Hérodote affirme que, de son temps encore, les Argiennes et les femmes d’Égine, par un sentiment de fatuité impertinente à l’égard des Athéniennes, affectaient de porter à l’épaule des épingles d’un tiers plus longues que naguère ; et, parmi les